Depuis 2017, le troisième album de Marina KAYE s'est fait bien attendre. Entre l'arrivée chez un nouveau label (Pias) et les problèmes sanitaires liés au coronavirus, Twisted n'a pu arriver qu'en novembre 2020, précédé par ses singles depuis bien longtemps.

L'équipe constituée pour la jeune Marseillaise ici est 100 % britannique, avec Jessica Agombar (ex-PARADE, un girl-band du début de la décennie 2020) et David Stewart, musicien-producteur qui a travaillé pour les JONAS BROTHERS, Hailee STEINFELD. Tous les deux ont déjà formé ensemble un soutien au groupe K-Pop BTS (ils ont co-écrit le tube "Dynamite") et deviennent les directeurs artistiques pour Marina KAYE.

La chanteuse ne sort pas (ou très peu) de l'univers sombre qui a éclos sur son premier album et s'est vu développer sur le suivant. Toujours aussi distinguée dans le paysage pop francophone, avec une préférence pour le r'n'b, on remarque avec quelle aisance cette artiste parvient à faire écouter, aimer un album comme Twisted même à un non amateur du genre.

Il y a bien sûr toujours (hélas) des choses à redire ; le point faible de cet opus est justement que ce dernier cherche trop à copier des tics actuels détestables en termes de production, et cela concerne exclusivement les voix. Non pas la voix principale, celle que l'on adore, ni les choeurs "naturels", mais assurément les loops de "hey!" et "oooh!" robotiques qui parcourent des splendeurs comme "Alone", "Bad Intentions" et "Visions". En dehors de ces apports indigents, c'est un quasi-sans faute.

La manière dont Marina KAYE introduit certains titres sur fond de boucles minimalistes comme "Twisted" et "Alone", la finesse des mélodies et la dynamique qu'elle arrive à créer en passant de la voix claire à, pour certains refrains, l'effet de saturation, on trouve largement de quoi être transporté dans une autre dimension. Vers un plaisir réel, dont l'angoissé et spectral "Double Life", avec ses nappes ambient, les rythmiques chaloupées de "Visions" et "The Whole 9", la valse funèbre de "Scream", sont autant de jalons sur le parcours.

Tous les loops vocaux ne sont pas à critiquer, ainsi en va-t-il des vocalises lyriques de "Scream". Une belle interaction se crée entre Marina KAYE et les instrumentations sur "Anywhere But Home". Outre les rythmiques fortes, mélangées ou non aux synthés planants, David Stewart ponctue l'ensemble de guitares électriques bien fondues dans le tout ("Bad Intentions").

Parmi les surprises, excellentes d'ailleurs, "Blind Heart" et ses guitares blues pour seul accompagnement témoignent qu'un style dépouillé de machines convient parfaitement à Marina KAYE, sans rien lui enlever de son âme. "7 Billions" est une chanson sucrée que l'artiste qualifie elle-même comme "rose" sans nuance, où elle se répond à elle-même en beauté. Une percée de ciel bleu dans la noirceur, même si le début au piano Fender Rhodes nous fait plutôt voir des étoiles.

Venant d'un amateur de claviers anciens (parce que trente ans, c'est ancien), voilà un lien tout trouvé pour parler de ce qui peut constituer la plus belle réussite du disque : "Questions", introduite au chant sur fond d'accords joués par un autre piano prestigieux, le Yamaha CP-80. Magnifique, et en termes cosmiques, une bien jolie trouvaille, tout comme les paroles en manque total d'assurance, la montée de violoncelles inattendue sur la fin... Loin d'un simple phénomène d'il y a quelques années, la personnalité de Marina KAYE s'affirme toujours plus en n'oubliant pas de s'ouvrir judicieusement. On ne peut qu'avoir envie de lui rester fidèle !