2003, 2023. Vingt années ont passé mais, depuis sa révélation avec Call Off the Search, son premier album, Katie MELUA n'a jamais cessé d'être la belle amie de toujours, grande favorite des hauts classements britanniques où elle s'est retrouvée constamment à chaque tour. Love & Money, son album-anniversaire de carrière enregistré aux studios Real World de Peter GABRIEL dans le Surrey, va l'amener à de nouvelles représentations sur les routes anglaises et allemandes voire polonaises, pays où elle est encore défendue le mieux.

Néanmoins, c'est à l'Amérique que ce neuvième album nous fait penser, mieux que jamais ! Les Etats-Unis de la côte ouest en pure féminité, lors d'une époque de début ou fin d'années 1970, voilà ce qu'évoquent en majesté les chansons proposées par une petite Géorgienne-Anglaise qui n'a rien à envier à ses glorieuses aînées. Un parfum précieux, auquel elle nous a certes accoutumés, se dégage et nous envoûte de manière admirable en sachant de plus avec quelle simplicité, dégagée de celle de l'album précédent alors plutôt dans la rupture, MELUA souhaite ici parler de son bonheur sur un fond de ciel bleu.

En vérité, la chanson-titre est encore marquée par les troubles de son enfance dans le Caucase. C'est la plus intime avec un accompagnement très simple au violon et aux guitares arpégées, l'une des plus belles aussi. Le reste du temps, MELUA s'inspire de ses nouvelles relation et maternité (elle pose d'ailleurs enceinte pour la pochette), de l'amour, du mariage et plus généralement du bonheur acquis au fil des années. On aborde alors un mélange de pop et de folk qui bénéficie énormément de l'apport de Leo Abrahams, producteur de l'album précédent.

Celui-ci donne une couleur à la fois très californienne et ambiant à cet opus, multipliant les effets de boucles légères et de réverbération ample, travaillant beaucoup, parallèlement au piano, sur les claviers d'époque (orgue Hammond, piano Wurlitzer) aux côtés de Martin Slattery. Question musiciens, si Love & Money marque le commencement d'une nouvelle ère pour la chanteuse, c'est aussi la fin d'une autre avec, dans les credits, la disparition quasi-complète de noms autrefois fidèles comme Luke Potashnick ou même Tim Harries, remplacé plus souvent désormais par Sam Dixon.

Puisqu'il a d'abord été question de la fin d'album, continuons avec l'avant-dernier morceau, "Those Sweet Days", rythme à trois temps crépusculaire qui se révèle être le moins bon titre, quand bien même d'une qualité évidente, avec quelques choeurs gospel ajoutés pour l'occasion. C'est dire le niveau de l'opus, une perle tout à fait inattendue pour une carrière aussi régulière. On a bien constaté depuis 2010 que les moins bons albums de Katie étaient ses plus 'normaux', ceux qui tentaient le plus de la raccrocher à ses succès des débuts. Du coup, Love & Money se présente comme un nouveau The House, l'effet 'grosse production' en moins, le climat au beau fixe en plus.

MELUA parle d'ailleurs de son avancée dans le monde de la musique du XXIème siècle, sur "Golden Record", au milieu de sons évanescents, avec une finesse dans le chant qui nous tire les larmes tant la reprise de contact est belle, au bout de deux ans à peine. La délicieuse "Pick Me Up" bénéficie de sa façon si sensuelle et mutine de jouer avec les instruments, avant de passer à un refrain plus droit ; un des titres les plus originaux avec son accalmie piano classisante et le retour du chant sur fond de clavier. D'autres caresses vocales sont au programme : "Lie in the Heat", "Reefs" et ses broderies en notes aiguës par tout le groupe, "Darling Star" un peu plus groovy.

"Quiet Moves", pop-song par excellence, nous plonge de plus belle sur les abords de la west-coast, sauf que l'océan n'est pas salé, c'est de la crème. Ces nappes, ce Wurlitzer, ces boucles accompagnant la batterie, tout est fait pour nous convaincre, même si les autres titres ne recherchent pas exactement la même évidence. Aussitôt après, "14 Windows" est une autre petite merveille en progression apaisante. Difficile enfin de ne pas fondre à l'écoute de "First Date" à l'intro instrumentale et à l'ambiance incroyable où la contrebasse s'illustre mieux que jamais au cours de cet ensemble.

Après The House, pas de doute, voilà bien l'autre chef-d'oeuvre de Katie MELUA. Bonheur rime peut-être avec facilité, mais ici, c'est amplement nécessaire et bienvenu, avec des atours musicaux décidés dans la plus grande justesse. Un plaisir n'arrivant pas seul, il existe deux versions de Love & Money dont une que l'on peut obtenir pour deux sous de plus, celle qu'il convient d'avoir avec quatre morceaux inédits (parfois 'maquette' à domicile), dont une autre version de "Love & Honey" un peu moins bonne que l'intimiste, mais qui permet de terminer l'album en groupe. "I Remember", dont le piano est joué par Tim Harries, dégage une senteur magique et nostalgique de fin d'été. MELUA a enregistré "Dann Erinner Ich" en compagnie du teuton Philipp POISEL, très beau duo et mélodie chantée conjointement d'une simplicité enfantine, tout comme "Watch Me", à l'ambiance printanière, brise bossa où les 'daladadalala' de Katie nous donnent davantage de frissons.