Je rentre dans la salle alors que la première partie en termine. Ce n'est pas très respectueux pour ces musiciens qui méritent la même considération que la tête d'affiche, mais avec le télétravail désormais bien ancré dans les vies professionnelles des uns des autres, les gens circulent moins et il est plus difficile de trouver une place où se garer, en plein cœur de la ville. Et puis, je suis venu pour les STANFIELDS, ces Canadiens fous dont le punk celtique rugueux rend notre existence plus supportable depuis bientôt 15 ans. Ces mecs là jouent ce qu'ils ont envie de jouer, crachent leurs sentiments comme personne et portent leurs questions existentielles comme un étendard. Si Bruce Springsteen s'était mis au punk, il serait sans doute membre des STANFIELDS.

Le sol, collant, irradie une chaleur déjà suffocante. Je retire ma chemise sous laquelle mon t-shirt à l'effigie de la formation de Jon Landry attendait son heure, et je me rends au bar me payer une pinte d'une blonde légère, de préférence allemande. Les techniciens s'affairent, mais le groupe ne tarde pas à investir une scène qui, bien qu'exiguë, semble comme éclore en même temps que naissent les premières notes de "Blacktop Blues", le premier des trois morceaux de l'album Death & Taxes interprétés successivement. La voix passée au papier de verre, granuleuse à souhait, de ce bon Jon résonne dans les enceintes alors que les guitares électriques granuleuses participent à construire un son épais et massif. Le plaisir est là.

L'énergie aussi. Car la musique des STANFIELDS réside dans sa capacité à infuser sans rougir son punk d'influences souvent country, celtiques également, apportées la plupart du temps par ce violon virevoltant qui confère une richesse supplémentaire à la musique du groupe. Les têtes bougent, les épaules s'animent, et les jambes commencent à s'animer tandis que le morceau s'étend pour notre plus grand bonheur. Etonnamment, les morceaux les plus récents interprétés ce soir datent de 2015. Peut-être est-ce la le signe d'une envie de célébrer un passé fondateur et exubérant plutôt qu'un présent plus posé, à défaut d'être plus assagi. Et en live, il est est vrai que "Dagger Woods", allongé sur près de 8 minutes pour notre plus grand plaisir, fonctionne à merveille. Le court extrait de Modem Operandi présenté, "Fight Song" est sans doute le titre le moins chargé de sens ici présenté. "Fight Song" joue sur l'instinct dénué de réflexion, fait écho uniquement avec le corps là où "Hard Miles", adaptation en électrique de ce morceau originellement paru sur l'album acoustique For King and Country, en 2013, mêle folk, rock et country dans un maëlstrom plus exigeant.

A mesure que le concert progresse, le groupe laisse parler sa nature profonde, et nous gratifie de ces longs passages déstructurés qui, s'ils sont déjà savoureux sur album, prennent ici une dimension supplémentaire en live. "Dagger Woods" pour le côté pile, énergique et brutal, "Ghost of the Eastern Seaboard" pour le côté face, plus réflexif, presque ésotérique, s'étendent ainsi sur de longues minutes qui favorisent la naissance d'une belle communion avec le plaisir.

Moins d'une heure de show néanmoins, et voici que les lumières se rallument déjà. La sono crachent un inédit médiocre, "Welcome to the Ball", aux relents pop et disco, tandis que les corps fumants se remettent de ce sacré coup reçu sur la tête. Allez, pour une reprise, l'intensité et la richesse de la musique déployée par les STANFIELDS suffisent à notre plaisir. Mais l'ensemble reste un peu court pour se sentir pleinement roboré. Bordel, que les concerts nous manquent !

3,5/5