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DREAM POP  |  STUDIO

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1992 Idylls
1994 Ardor
1996 Ever
1998 Flux

COMPILATIONS

2000 Temporal
 

- Style : Cocteau Twins

LOVE SPIRALS DOWNWARDS - Idylls (1992)
Par AIGLE BLANC le 21 Juin 2021          Consultée 730 fois

Le chroniqueur, c'est bien connu, n'aime rien tant qu'établir des passerelles entre les artistes ou groupes, parfois afin d'étaler sa culture musicale, surtout quand ces liens ne sont pas si flagrants, mais le plus souvent quand le réseau d'influences n'est de taille à tolérer aucune ambiguïté.
C'est ainsi que dès son premier album Idylls, paru en 1992, les critiques ne se sont pas privés de pointer les similitudes stylistiques entre LOVE SPIRALS DOWNWARDS et COCTEAU TWINS. Il ne fait aucun doute que Ryan Lum, père et tête pensante du premier groupe, a subi l'influence 'écrasante' de la formation écossaise emmenée par Robin Guthrie, les arpèges climatiques de sa guitare électrique ne cachant pas leur dette envers ce dernier. De plus, la présence de la chanteuse Suzanne Perry, en lieu et place de l'inoubliable Elizabeth Fraser, contribue à renforcer la légitimité de ce rapprochement. Enfin, le chant onomatopéique * des deux vocalistes précitées n'est pas la moindre des équivalences.
S'il est des plus communs qu'un groupe en inspire un autre, il est déjà plus rare quand cette influence s'exerce entre deux labels indépendants. Tout amateur de COCTEAU TWINS n'est pas sans ignorer que le groupe de Robin Guthrie est resté de 1982 à 1990 le fer de lance du label londonien ** 4AD, représentant à lui seul l'identité la plus reconnue de la mythique maison de disques dirigée par Ivo Watts-Russel. Signé chez Projekt Records, LOVE SPIRALS DOWNWARDS est devenu lui aussi le groupe emblématique de sa maison-mère au point de jeter une ombre sur les autres formations ayant rejoint le label californien de Sam Rosenthal. On retrouve chez les artistes de Projekt les atmosphères sombres et mélancoliques qu'affectionnent tant COCTEAU TWINS et DEAD CAN DANCE, héritées des fondateurs des musiques gothiques, notamment de JOY DIVISION, SIOUXSIE AND THE BANSHEES et THE CURE, et déclinées selon une palette qui va de la Darkwave au Néo-Classique, en passant par l'Ambient. Les affinités électives des deux labels convergent également vers le design de livrets et de pochettes aux confins de l'abstraction éthérée. La photo frontale ornant Idylls n'est pas sans évoquer, par sa texture nimbée d'un flou artistique autant que par son camaïeu de bleus, celle de l'emblématique troisième album des COCTEAU, le bien-nommé Treasure (1984).

Encore plus rare, Ivo Watts-Russel et Sam Rosenthal ne se contentent pas de diriger leurs labels respectifs, ils créent aussi leur propre groupe, THIS MORTAL COIL pour le Londonien et BLACK TAPE FOR A BLUE GIRL pour le Californien, la principale différence résidant dans le fait qu'Ivo rassemblait des musiciens issus des divers groupes de son label, pour former une sorte de super-groupe, ou un groupe-monstre pour reprendre une expression du domaine théâtral, tandis que Sam Rosenthal de son côté avait formé un vrai groupe, indépendant des autres signés sur son label Projekt.
Le plus remarquable quand on oriente le rétroviseur sur ces deux labels devenus 'culte' est leur forte identité artistique, leurs dirigeants respectifs adoptant une posture davantage d'artistes que de commerciaux, tous deux soucieux d'élaborer un label cohérent, de la même façon qu'un éditeur authentique s'attache à suivre une vraie ligne éditoriale, chaque 'poulain' signé relevant d'une démarche esthétique similaire à celle qui dicte à un groupe la sortie du nouvel album, et non pas d'un album lambda. Ivo et Sam sont des patrons de labels qui construisent une oeuvre par le prisme de leurs artistes signataires.

Les similitudes entre LOVE SPIRALS DOWNWARDS et COCTEAU TWINS ne manquent pas, comme noté précédemment : la guitare de Ryan Lum, nimbée dans une chambre d'écho permanent, à la manière de celle de Robin Guthrie, et déployant ses arpèges ou nappes planantes dans des ambiances cotonneuses en écho au design vaporeux des pochettes ; la chanteuse Suzanne Perry et son flow onirique basé sur des onomatopées laissant la liberté à l'auditeur d'injecter dans les paroles le sens qui lui convient, originalité qu'elle doit à Elizabeth Fraser des COCTEAU, gardienne en quelque sorte de cette signature vocale.
Néanmoins, il est tout aussi intéressant de mentionner les différences entre les deux groupes : L. S. D reste fondamentalement un duo, Ryan Lum assumant à lui seul les postes de claviériste-guitariste-batteur-percussionniste programmeur-producteur-mixeur-ingénieur du son, tandis qu'au chant sa compagne Suzanne Perry déploie un timbre très proche de celui de la délicieuse Maggie Reilly (l'inoubliable interprète de "Moonlight Shadow" et "To France" de Mike OLDFIELD). Quand Elizabeth Fraser s'y montre infiniment plus baroque, voire maniérée diront certains, par sa propension au bizarre et au sublime, Suzanne Perry ne réalise pas vraiment de prouesses vocales, privilégiant la sobriété et la grâce à la virtuosité rococco de l'Ecossaise. L'acoustique imprègne davantage L. S. D, ce qui confère à sa musique une empreinte folk non négligeable qu'on serait en peine de déceler chez les COCTEAU, globalement plus rock.

Idylls s'avère un album prometteur, composé de 13 titres au minimum agréables et au mieux envoûtants où Ryan Lum démontre un talent évident dans la création d'atmosphères oniriques, la production brumeuse conférant au disque des atours merveilleux. Chacune de ses chansons aurait pu intégrer le film Legend de Ridley Scott, avec infiniment plus de bonheur que l'insipide et peu inspirée musique de TANGERINE DREAM, du moins dans sa version américaine.***
Que les réfractaires à l'Ambient et aux compositions interchangeables d'ENYA se rassurent : LOVE SPIRALS DOWNWARDS délivre des chansons suffisamment bien conçues et composées pour éviter la sensation de redites sanctionnant les albums d'Ambient où ne brillent que les textures au détriment de l'architecture intérieure. Ryan Lum et Suzanne Perry s'entendent assez bien pour harmoniser leurs rôles respectifs, ce qui conduit à des titres au charme indéniable. Reconnaissons même à Ryan Lum un sens mélodique affirmé naviguant de COCTEAU TWINS à DEAD CAN DANCE. Des premiers, il égale les arpèges guitaristiques sans génie certes, mais avec suffisamment d'invention pour ne jamais ennuyer. C'est ainsi qu'on peut se laisser attendrir par la douce mélancolie de "This Endris Night" où la voix mélodieuse de Suzanne Perry flotte sur des accords de guitare sereine. Un titre comme "Forgo" distille une étrangeté intéressante qu'entretient le chant aux accents voisins de celui de Lisa Gerrard, sans en copier la dimension mystique, mais en y injectant une couleur tribale enchanteresse. Les claviers omniprésents de Ryan Lum sont toujours parfaitement intégrés au tissu sonore de sorte que les réticents du son lourdaud et ridicule des 80's peuvent s'y laisser prendre sans risquer la moindre migraine. C'est ainsi que les claviers associés aux accords de guitare développent une ambiance à la fois douce et mystérieuse dans le beau "Noumena of Spirit". Quand la formule trouve son expression la plus juste, cela donne le magnifique "Ladonna Dissima", aux accents délicieusement médiévaux, qui n'a rien à envier au groupe de Robin Guthrie.
Ces quelques réussites compensent l'ombre parfois écrasante de COCTEAU TWINS, comme la subissent malheureusement le bel instrumental "Endaimonia" et le gothique "Dead Language" qui sonne comme le COCTEAU TWINS de la première période, celle de Head Over Heels.

L'album aurait gagné à ne garder que dix titres, comme à la grande époque du vinyle, il n'en aurait paru que plus réussi, alors qu'en l'état ses trois dernières chansons laissent poindre l'ombre d'une agréable lassitude. Le multi-instrumentiste Ryan Lum se révèle, n'ayons pas peur de l'affirmer, un magicien du son à défaut de briller sur le plan technique. Idylls peut passer pour le petit frère honorable du chef-d'oeuvre des COCTEAU, Victorialand (1986), bien que la comparaison lui soit logiquement préjudiciable. N'oublions pas qu'il s'agit d'un album séminal. L. S. D a le temps d'évoluer et de s'améliorer, ce qu'il ne manquera pas de démontrer au cours de sa courte carrière.

* Suzanne Perry et Elizabeth Fraser délivrent un chant dénué de paroles mais habité de néologismes inspirés du babil.
**4AD aujourd'hui est devenu un label américain.
***La version américaine de Legend bénéficie du score majestueux du regretté Jerry GOLDSMITH.

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   AIGLE BLANC

 
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- Ryan Lum (guitares acoustique & électrique, claviers, basse)
- Suzanne Perry (chant)


1. Illusory Me
2. Scatter January
3. Love's Labour's Lost
4. This Endris Night
5. Forgo
6. Endaimonia
7. Dead Language
8. Stir About The Stars
9. Noumena Of Spirit
10. Ladonna Dissima
11. Drops, Rain, And Sea
12. Waiting For The Sunrise
13. And The Wood Comes Into Leaf



             



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