La grosse pomme, quartier de Greenwich Village, au milieu de l'année 64... Le terreau des revendications révolutionnaires, la base des auteurs compositeurs du mouvement folk, qui peuplent les hôtels décatis mais super hype du coin. Bob DYLAN et Joan BAEZ sont là, de même que la plupart des égéries folk. John Sebastian, fils de l'un des grands compositeurs classiques américains du 20ème, et Zal Yanovsky, excellent guitariste ayant pas mal bourlingué malgré son jeune âge, font tous deux partie des MUGWUMPS qui accueillent aussi en leur sein plusieurs membres des futurs MAMAS & PAPAS. Les débuts sont difficiles, ils se font jeter du Night Owl et répètent comme des morts de faim dans les sous-sols de l'hôtel Albert. Les LOVIN' SPOONFUL sont signés par Kama Sutra au début de 65 et le 20 juillet- quelle jolie date ! - sort leur premier single.

Il s'intitule "Do You Believe In Magic" et va immédiatement atteindre les sommets du billboard, la 9ème place, pas mal pour un début. John Sebastian a écrit cette chanson à la gloire de la musique qui réunit tout le monde autour du plaisir de la fête. Le classement de Rolling Stone la positionne à la 216ème place de sa liste des 500 plus grandes chansons de l'histoire. Un joli riff assorti d'une mélodie facile à retenir, on y sent certaines influences rock'n'roll, country et blues. On remarque vite la guitare de Zak, qui transperce de ses fulgurances le morceau. Il faut faire fi de l'ordre des singles et nous retrouvons ici leur 4ème, "Did You Ever Have To Make Up Your Mind ?" qui sort alors que le groupe est en pleine bourre et bénéficie des succès à venir de "Daydream" et "You Didn't Have To Be So Nice", présents sur leur opus suivant. Il va atteindre la 2ème place du billboard, bloqué par "Paint It Black" des ROLLING STONES... Ouais, à l'époque, les classiques se suivent au sommet des charts. L'orgue scande tranquillement cette comptine chantée avec douceur par John, presque BEATLESienne par moments.

On n'a pas moins de 9 traditionnels sur l'ensemble de cette galette. Le blues roots "Sportin Life" n'est pas vilain, même si la voix de John n'a rien de bien smooth à la base, mais il se débrouille pas mal, d'autant que son harmonica dépote bien. La véloce "Blues In The Bottle" va aussi en influencer plus d'un avec ses guitares bien mellow. "MyGal" se transforme en chanson des sixties. On y remarque les efficaces choeurs et un solo assuré de Zak. "Fishin Blues" est prétexte à singer tous les folkeux, de Woody GUTHRIE au KINGSTON TRIO, sympa. Et enfin le Mid-tempo de "Wild About My Lovin" est bien enrobé par les choeurs des Cuillères, et la gratte se taille encore une part de lion en se la pétant Buddy GUY.

En plus des deux singles, il y a là deux autres compositions de John Sebastian : "Younger Girl" est toute simple et fraiche. Le blues-rock de "On The Road Again" est bien pêchu, même s'il n'atteint pas au sublime de son homonyme par CANNED HEAT deux ans plus tard. La jam de "Night Owl Blues", à la gloire du fameux établissement, se remarque facilement avec ses longs soli de guitare incendiaires de Yanovsky. Il nous reste trois reprises : "You Baby" de Barry Mann et Phil Spector possède tous les ingrédients de l'époque et la "Other Side Of This Life" de NEIL, bien joyeuse, donne le ton général de l'album. Terminons avec l'ancien numéro un du billboard par les HOLLYWOOD ARGYLES "Allley Oop", qui profite de la sauvagerie des Cuillères en jam pour prendre une nouvelle dimension, avec toujours la satanée gratte de Yanovsky en exergue.

La voix de John Sebastian évoque souvent celle de John LENNON, avec un brin moins de personnalité certes, mais pas mal d'originalité tout de même. La guitare de Zak Yanovsky, quant à elle, est clairement au centre des débats. Ce mélange, à la base improbable, de traditionnels bien crotteux et de compositions ancrées dans l'air du temps donne au final un album de belle tenue, surtout pour un premier essai. Les deux singles ont passé le cap de la postérité, même s'ils ne sont pas les plus connus des LOVIN' SPOONFUL, et l'ensemble sonne tel un symbole des mid-sxties américaines. Vivement le prochain !