Il fût un temps ou sortir trois albums dans l'année était normal, rien d'extraordinaire, cela reflête juste la dose de créativité qui rêgnaient alors dans les rangs de la musique populaire. Alors, pour faire suite à la BO du premier Wody Allen et à leur deuxième album contenant la superbe "Daydream", nos LOVIN' SPOONFUL remettent le couvert avec ce les petites cuillères d'amour fredonnent. Tous sourires dehors sur la couverture, le groupe impose à l'instar de leurs collègues TURTLES, des éléments de bonne humeur et de camaraderie évidents. Ils l'annoncent dans les interviews, l'album va tenter de toucher à tous les pans de la musique populaire, et nanti d'un songwriter de la trempe de John Sebastian, nul doute qu'il ne faut pas s'attendre à du remplissage. Nous sommes fin 66 et la créativité est toute aussi forte de ce coté de l'Atlantique, voyez plutôt !

Impossible de débuter cette chronique par autre chose que par l'hymne intemporel des LOVIN' SPOONFUL. Tout le monde connait "Summer In The City" son début hésitant puis cette élégante mélodie qui voit John camper le personnage que la postérité a retenu, un intello à cheveux longs qui cherche une nana dans les rues de la grosse pomme. Le titre va topper le billboard pendant trois semaines consécutives en faisant un classique incontournable de la pop, aujourd'hui encore, on l'entend sans cesse, dans les jingles, dans les pubs, à la radio. Rolling Stone la classe 401eme dans son classement des 500 plus grandes chansons de tous les temps. La légende veut qu'il ait chourré le squelette de cette chanson à son jeune frère Mark, qui vivait alors à Washington Square tout seul. Y a-t-il plus emblématique de New York avec ses klaxons et tous ses bruits de trafic ? Une merveille.

Sur le single suivant, "Rain On The Roof" John est à l'autoharp, on est dans la continuité des BYRDS sur ce titre folky un brin baroque. Elle est mignonne et sonne telle une contine par instant bien que son arrêt brutal casse un peu la magie. Les références aux BYRDS continuent sur "Nashville Cats", dont l'esprit country n'est pas à démontrer. John y est toujours à l'autoharp et Sal inonde le titre de petits licks de guitare bienvenus. Après l'hymne à New York, l'hommage à la capitale de la country est sympa. "Full Measure" nous ramène dans le giron de la pop, vous ne serez pas sans remarquer que le bassiste Joe Butler y a hérité du micro, ou il nous étonne avec un très joli chant velouté. Ces trois titres vont atteindre le top 10 des charts pop, donnant au groupe une légitimité encore accrue.

Il y a de tout sur cet opus : au tour du guitariste Yanovsky de passer derrière le micro sur le titre "Voodoo In My Basement". Comme on pouvait s'y attendre le morceau est d'obédience blues, bien laidback et halluciné, mais on s'habitue avec nos lascars. Dommage j'y attendais un solo de guitare qui n'est jamais venu ! Et comme il faut de tout pour faire un monde, la distorsion règne sur "4 Eyes", un blues psychédélique qui n'a rien à envier aux fulgurances des pontes de San Francisco, la consommation de LSD devait de toute manière être sensiblement la même des deux cotés des USA. Aucune honte à avoir face a l'AIRPLANE ou au DEAD. John joue ensuite au blasé sur "Best Friend", qui narre les aventures d'amoureux incapables de devenir amis, bien psychédélique avec une petite vibe psychiatrique. On traverse l'ouest américain avec le jug band sur "Henry Thomas", fait de bric et de broc comme si le temps n'avait pas passé. Quelle leçon ! La biographie du chanteur homonyme ricain des années vingt est désormais existante.

Les meilleurs titres restent à venir : l'entraînante "Lovin You" est très révélatrice des talents de compositeur de John Sebastian, un aspect proche de John LENNON - on y revient -, un coté coquin et très original, et une capacité assez géniale à créer des lignes mélodique faciles à retenir, ici très folk rock, avec un boulot conséquent de Sal à la guitare. On touche au sublime sur "Darlin Companion" qui sonne tel un classique de la country. D'ailleurs Johnny et June CASH ne s'y tromperont pas en la reprenant à leur compte, voilà une preuve absolue s'il en fallait une ! Un chef d'oeuvre de bonne humeur sur une mélodie inébranlable ! John Sebastian n'a pas été considéré comme un auteur country pour autant, et ses chanson ne rentrent jamais dans le top country... Allez comprendre ! Enfin, le crépusculaire slow "Coconut Grove" nous transporte sous d'autres latitudes, au bord de l'océan, tout ceci irradie la langueur et la douceur. Les guitares amènent volupté et calme, et la voix de John flatte l'appétence vers le farniente et les vacances. Encore un chef d'oeuvre à mettre à l'actif des cuillères !

Pas de doutes à avoir les LOVIN' SPOONFUL l'avaient annoncé, ceci est clairement leur momentum de gloire ! Le classique intemporel est là avec "Summer In The City", et plusieurs des titres ici présents méritent le titre de standard, ce dans plusieurs styles musicaux. Une sacrée belle performance qui ne peut qu'être comparée aux plus grands groupes de l'époque, bien au delà des gentils TURTLES ou des BEAU BRUMMELS, seuls les BEATLES ont fait aussi bien à mon sens en s'attaquant ainsi à toutes sortes de répertoire, mais ils étaient plusieurs à composer ! Cet album impose donc John Sebastian comme un des plus grands compositeurs de son temps, c''est dit ! Ce simple quatre est cependant supérieur aux deux albums précédents, nous sommes tout proche du cinq sur cet album aux fredaines !