AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

En guise de cinquième opus, les petites cuillères d'amour proposent la seconde B.O de leur jeune carrière. Après avoir contribué à lancer Woody Allen, les voici maintenant aux prises avec Francis Ford Coppola, on ne plaisante pas avec le choix des metteurs en scène dans le coin. Tout est bon pour asseoir une réputation dans le show-biz, les BEATLES l'ont déjà prouvé avec Hard Day's Night et Help. La démarche peut enrichir la carte de visite et le C.V des LOVIN SPOONFUL. Toutefois, cela reste une prise de risque. En ces mid-sixies, on n'avait pas vraiment le temps de se poser ce genre de question, cela dit : le management, les tournées, les séjours en studio, tout ceci dans un véritable maelstrom de déferlement de groupies et de déplacements incessants !

On oscille entre pop et rock sur la rythmée "You’re A Big Boy Now", avec une belle contribution à la guitare de Sal. On y retrouve les habituelles prédispositions de John Sebastian pour créer des mélodies simples et facilement mémorisables. Le hit ne fait pourtant pas le flambard attendu. La chanson est reprise sur le "Finale", avec de jolis arrangements pour orchestre, ainsi qu'on les fera beaucoup dans la décennie à venir. "Darling Be Home Soon" est le second single et le seul qui fasse quelque peu bouger le billboard où il atteint la 15ème place. Le titre qui sonne complètement actuel symbolise à merveille les divers éléments qui font la pop d'alors : pas mal de cuivres, quelques cordes pour l'ambiance et un refrain facile à retenir, chanté avec une certaine douceur. On pense à DONOVAN ou à Cat STEVENS pour l'occasion.

Une B.O donc : l'atmosphère attentiste de "Lonely" lance un harmonica et des cordes à l'assaut d'une ambiance totalement cinéma. On imagine fort bien la scène ! Pas désagréable mais pas non plus ce que l'on conseille pour découvrir un groupe. Percussions et trompettes à la baguette sur "Peep Show Percussion", à nouveau très B.O. "March" est effectivement une... marche, plus en mode défilé que militaire ou même funèbre, la logique-même avec John Sebastian. On revient à une conception plus classique des choses sur "Kite Chase" qui évoque certains thèmes de western ou de films de guerre. Quelle pusillanimité dans le style de Sebastian tout de même !

Un brin de jazz ? Dans "Try And Be Happy", c'est comme si l'on errait dans les rues de la grosse pomme la nuit à la recherche d'un club de Jazz. Vu le titre, normal d'entendre cuivres et bois se partager la vedette sur "Dixieland Big Boy" avec un certain swing. La "Letter To Barbara" qui suit est un petit intermède smoothy, à base de sax enfiévré. On sonne presque entre deux guerres sur "Miss Thing’s Thang" qui évoque le jazz des romans de Scott Fitzgerald. C'est toute la culture de John qui s'exprime ici, toujours avec talent et créativité.

Mais on ne s'arrête pas là pour autant ! En effet, nous voici repartis dans la transe psychédélique de la bordélique "Wash Her Away", avec des orgues psychiatriques et des grattes garage qui annoncent clairement l'esprit punk avec dix ans d'avance. La gratte distorsionne avec une certaine emphase, tout ceci est bien violent. La six cordes continue d'ailleurs de twanguer en permanence sur "Barbara’s Theme"qui reste dans les même contrées du psychédélisme. "Girl Beautiful Girl" replonge dans le bain de la pop, avec de jolis cuivres rebondis et un chant bien posé de John.

L'analyse de conclusion est fort simple pour cet opus. Il n'y a là aucun classique du groupe et l'ensemble, bien qu'agréable et fort diversifié, n'interpellera personne en dehors de ses fans auxquels l'opus peut éventuellement être recommandé. Pour le reste des amateurs, rien d'extraordinaire n'est ici à signaler. On note tout de même la belle diversité qui anime l'esprit créatif de John Sebastian en l'occasion. Les B.O sont rarement un espace susceptible de délivrer de grands classiques, surtout de la part des groupes de pop comme les LOVIN' SPOONFUL, mais s'il faut admettre un travail bien fait au service d'un film, l'album demeure mineur.