Les LOVIN' SPOONFUL ont tiré les leçons d'un premier album encensé par la critique et les fans. Désormais, ils décident de garder leur esprit roots – les aspects bluesy ainsi que l'inspiration proche des jug bands – tout en ne proposant qu'une petite portion de reprises. Dorénavant, le matériel sera constitué de leurs propres compositions. Ils sont les seuls parmi les cadors des sixties à créer une musique mêlant racines et modernité, et leur blend de pop est indéniablement original. Ils ne passent pas inaperçus. Les GRATEFUL DEAD, de l'autre côté des US, admettent sans sourciller qu'ils se sont inspirés de ce premier album des Cuillères pour lancer leur projet psychédélique.
Bref, les bases de leur second méfait sont en place. Oublions la chronologie des singles, trop complexe à suivre !

C'est à "You didn't Have To Be So Nice" de succéder à "Do You believe In Magic" dans les charts, et d'atteindre une fort honorable 10ème place. Coécrit avec le bassiste John Boone, le titre est une comptine pop mignonnette et douce. John la chante de manière très veloutée. Le supra classique "Daydream" prend la suite et, cette fois, c'est le jackpot : le titre laidback si nonchalant parvient à la seconde marche du podium, derrière le "Soul And Inspiration" des RIGHTEOUS BROTHERS. Sebastian décrit cette chanson comme son essai de produire un ersatz du "Baby Love" des SUPREMES. On reste dubitatif devant cet aveu tant les deux compositions ne se ressemblent pas. Mais qui n'a jamais chanté "I'm lost in a daydream" en jouant les fatigués ? Une vraie petite merveille de pop étincelante !

"Didn’t Want To Have To Do It" est un autre chef-d'oeuvre de pop finement ouvragée, avec juste ce qu'il faut d'esprit psychédélique pour le revendiquer. Cette très jolie composition mérite une oreille attentive, et pas mal d'écoute ! En voilà une qui aurait pu faire les beaux jours des billboards ! Comme il se doit, un des titres nommé "Jug Band Music" laisse tout loisir d'entendre les talents du groupe dans ce genre si particulier. L'amusante et entraînante "It's Not Time Now" sonne country, tandis que "Butchie’s Tune" au ton mélancolique reste un brin tonk.

Le reste est bien blues : le batteur Joe Butler a coécrit "Day Blues" avec son chanteur. L'ambiance crépusculaire le fait bien, avec une guitare vraiment chouette de Yanovsky, signe distinctif s'il en est des SPOONFUL. Ils nous donnent aussi le "Let The Boy Rock And Roll" qu'on croirait sorti de la gratte de Chuck BERRY, mais le bridge est tout sauf rock'n'roll. Pour le reste, c'est de l'éclate et les mecs revendiquent leur filiation. Mais écoutez donc ce son de Yanovsky, super punk pour l'époque, à retenir !

"Warm Baby" sonnerait presque comme un blues roots, ne serait cet effet de Harpe trouvé dieu seul sait comment, qui illumine carrément le titre et le transforme en blues psychédélique. Les mecs ont dû fumer de drôles de plantes pour écrire ce truc halluciné. "There She Is" balance bien la sauce, puis l'instrumental "Big Noise From Speonk" annonce l'arrivée prochaine des CANNED HEAT et de leur blues rock burné. L'harmonica de John est intenable et on dirait Alan Wilson à la guitare, un peu comme chez l'hibou aveugle et l'ours. La seule reprise est finalement de DR FEELGOOD, le bluesman oublié. Il s'agit de "Bal Headed Lena" où gargouillis et déconnade remplacent le solo de guitare. On ne se prend guère au sérieux dans le coin !

Ce deuxième opus est tout aussi convaincant que le premier. Il semble clair que, musicalement, le groupe tient remarquablement bien la route et se taille une belle réputation de bête de scène où sa maîtrise instrumentale fait merveille. Cet album parvient logiquement à la 10ème place du billboard, illuminé par la présence de "Daydream" qui mérite toute votre attention, pour les 'Néandertals' qui ne la connaissent pas encore ! Il y a pléthore de styles abordés ici, toujours avec le même bonheur, ce qui n'est pas si évident. Sebastian est à l'aise quel que soit le rythme ou le genre, et Yanovsky fait mieux que meubler derrière son chanteur. Un quatre bien puissant.