Ce mini album de PERTURBATOR est vraiment à part dans sa discographie. L’imagerie industrielle, froide et nocturne, bien différente des précédentes, n’induit pas en erreur qui a le flair un peu développé : New Model est à ce jour la production la plus dark de James Kent. On peut ainsi apprécier l’ensemble de l’œuvre du Franco-britannique et en même temps faire preuve d’un vrai attachement à cet E.P si particulier, le sortir du lot et le considérer comme son album le plus séduisant.

Si je parle de séduction, c’est bien celle de la nuit envoûtante. D’entrée de jeu, les nappes de l’inquiétant "Birth of the New Model" vous happent, vous enveloppent et vous proposent une excursion dans des territoires sombres faiblement éclairés par une pâle lune, pleine ou gibbeuse ; on est ici aux frontières des atmosphères de CARPENTER BRUT, parfois on y met les pieds, et d’autres fois on en parcourt les lisières, mais l’ombre de l’autre grand groupe français de la synthwave est clairement perceptible dans "Tainted Empire".

L’autre observation concernant cet E.P porte sur les atmosphères. New Model est vraiment ambiancé, largement plus que toute autre production de PERTURBATOR. Ceux qui ont un penchant pour les images en cinémascope vont se régaler ; quelques notes de clavier de "Tactical Precision Disarray" pourraient nous faire penser au "Crockett's Theme" de la série Miami Vice; d’autres sonorités nous ramener au film Zombi de G. Romero "Vantablack", ce sont ainsi des petites touches qui, disséminées avec intelligence, nous feront penser inévitablement aux années 80.

Mais, plus important encore que ces petits flashs sonores (qui pourraient paraître anecdotiques à certains), ce sont ces atmosphères prégnantes de film ou de jeu vidéo d’action ; ainsi "Tactical Precision Disarray", connecté à l’IDM de AUTECHRE, aurait pu très bien remplir son office pour une OST de Splinter Cell ou un film urbain-cyber-post-apocalyptique par exemple. Les cassures dans les motifs rythmiques viennent largement en soutien de cette perception de bande-son, comme si on avait affaire à une succession de plans larges, d’angles de vue et de rebondissements.

"Vantablack", single et seul titre chanté de cet E.P, semble imprégné du dubstep de BURIAL et mixé à l’électro-indus de WUMPSCUT ; ce titre est joliment ténébreux comme si DEPECHE MODE avait exploré plus profondément encore les sillons de la noirceur de son album Ultra. "Vantablack" est ainsi une des plus belles compositions de James Kent.

Les trois titres suivants (face B) sont plus portés sur les rythmes et les saccades mais, dans le même temps, insistent également sur le côté atmosphérique, voire ambient de cette bande-son. Plus encore, on enchaîne les variations rythmiques "Tainted Empire", on aligne les plans sonores comme on enchaînerait les plans visuels, entre moments carpenteriens et distorsions imposantes. "Corrupted by Design" rejoint les territoires plus industriels ou EBM, donnant à l’auditeur une envie de danser sur fond d’images de films d’angoisse. Le dernier et bien nommé "God Complex", le plus long morceau du disque, qui semble porter en lui les affres complexes de la technologie, charrie quantité d’images de travellings lents entrecoupées de scènes d’action dans des décors vertigineux que dissimule l’obscurité.

New Model est un E.P particulièrement saisissant ; ceux qui sont à la recherche de musique électronique sombre devraient y jeter une oreille tout en sachant que cette œuvre n’a pas d’équivalent dans le reste de la production de PERTURBATOR.

Particulièrement recommandé !