INTERPOL, avec EDITORS puis FONTAINES D.C. à présent, figure en bonne place parmi mes groupes favoris post-bug second millénaire. Toutefois, peut-être devrais-je employer l’imparfait dans mon affirmation, tant l’effritement de mon intérêt semble s’accélérer exponentiellement.

Le départ du bassiste Carlos D. en 2010 semble réellement avoir cassé quelque chose dans la mécanique si bien huilée et la dynamique d’un des collectifs les plus intéressants de la mouvance dite post-punk revival, dont la révélation avait été entérinée par deux excellents premiers jets. Cela ne représente finalement pas une si grande surprise tant la basse constitue un avatar essentiel dans leur musique, pratiquement une raison d’être. Sans contexte habité par quelques qualités, Interpol puis El Pintor avaient singulièrement abaissé le curseur, le second revêtant plus le costume qu’arborerait un sursaut d’orgueil.

Depuis, je continue d’égrainer fébrilement les albums même si je ne m’attends pas à retrouver la gloire d’antan. Enfin si. Secrètement, j’attends cela. J’attends que ces mecs me donnent tort et je sais qu’ils en sont encore capables.

The Other Side of Make-Believe, septième livraison des Américains, a été entièrement écrit pendant le plus fort de la pandémie de Covid-19, les premières ébauches étant conçues par correspondance entre le trio. L’enregistrement commence en septembre 2021 et prend fin début 2022, FLOOD produisant le tout.

Arrêtons-nous quelques instants sur cet intitulé. Doit-on y lire une critique vis-à-vis de la gestion chaotique de cette pandémie ? Ou plutôt du danger que constitue le fait des prêcheurs de pseudo-vérité, la considérant comme immuable voire indiscutable ? On peut textuellement retrouver cette phrase sur "Passenger", floraison d’un bouton sur fond d’influence bizarre de BLACK SABBATH couplée au hip-hop, comme le dit le chanteur Paul BANKS.

Tout aussi mystérieuses, ces lignes arrosant le pseudo-reggae "Big Shot City" : Stoppe l’opération. Aide-moi à m’extirper de la table, nous devons partir. Je ne suis pas le genre à pleurer, mais plus je reste vivant, plus je sens cette tendance augmenter. Un narrateur comme immobilisé en chirurgie voire dans un espace-temps qu’il ne maîtrise plus, on en retrouve la nette allusion dans le graphisme de la pochette où figure la lame d’un scalpel pointée sur un miroir, soi finalement par simple réflexion.

"Toni" est une intéressante entrée en matière. Des notes de piano introductives rêveuses suivant un bruit de bateau (?), une basse bien en place, un riff typiquement INTERPOLien. Un premier single judicieusement choisi, première partie d’un diptyque se concluant avec "Something Changed" pour lequel Van Alpert a réalisé un film complet. Un piano toujours présent mais une ambiance plus clair obscur avec un break remarquable. "Gran Hotel" est également une belle pièce de choix, traitant de brisures coronaires dues à pertes amoureuses.

Ailleurs, des mélodies parfois inhabituelles pour le groupe (étrange "Fables", "Mr. Credit" rêve fiévreux sur les relations et les haut-parleurs, dixit BANKS), bonnes mais ne prêtant pas réellement à quelconque conséquence tel l’organique mais paresseux "Into the Night" tournant en rond sans but véritable. Comme un air de déjà-vu, agréable mais pas décisif. Ce qui constitue une insulte pour un groupe tel qu’un INTERPOL.

Quelque chose a bel et bien changé, comme le titre une des chansons. Toutefois, pourra-t-on en revenir ? Rien ne saurait être définitif.