Fin 75, l’anglais Steve HILLAGE quitte GONG alors que la firme Virgin veut transformer le guitariste en tête de gondole remplaçant Daevid Allen, une idée que ne cautionne pas Hillage qu’il juge contradictoire à la philosophie communautaire du groupe.

Etabli à Woodstock avec sa compagne et équipière française Miquette Giraudy depuis 76, Steve Hillage vient d’enregistrer deux petites pépites : Fish Rising et L. L’anglais a le vent en poupe, L tout juste sorti dans les bacs fin septembre 76 décroche une excellente 10ème place dans les charts britanniques, le disque demeurant dans les hit-parades pendant 12 semaines.

Partout où il se produit, Steve Hillage suscite les éloges de la presse et du public. Avec sa tunique d’apôtre, c’est à peine si le bonhomme à l’instar de Jésus, ne change pas l’eau en vin. Après avoir déclencher des louanges enthousiastes en Angleterre, en Allemagne et en France, l’anglais retourne en Amérique pour servir de sparring-partner à Electric Light Orchestra. Si la formation de Birmingham connait son plus gros succès avec A New World Records, album qui se vend à cinq millions d’exemplaires à travers le monde, la formation de Jeff Lynne aura bien du mal à rivaliser avec une troupe particulièrement rodée aux scènes gigantesques, auteure d’un son cosmique souvent ensorceleur.

Dépositaire de brillants happenings, Steve Hillage entame sa première ouverture pour E.L.O le 17 janvier à Phoenix. Si Jeff Lynne et ses sbires laissent un bon souvenir, c’est le groupe de Steve Hillage qui surprend le public américain. Deux jours plus tard, bis repetita à Denver. Le troisième show à Tucson (Arizona) ne connaitra pas la même tournure, faute à des promoteurs locaux qui avaient carrément zappé la formation.
Cette longue tournée américaine de janvier se termine avec deux concerts programmés les 27 et 31 janvier au Forum, une immense salle de spectacle basée à Inglewood, dans la banlieue de Los Angeles tout près de l’aéroport.

Ce nouvel opus Live sort 46 ans après les faits. Le label Madfish Records, label spécialisé dans le Prog. et filiale de Snaper Music, avait déjà édité Düsseldorf un Live capté en 79 dans la ville allemande. Cet enregistrement d’Inglewood devant une salle de 15000 spectateurs est agrémentée de trois titres issus d’un show au Rainbow Theatre de Londres le 26 mars 77. Après une tournée américaine de 27 concerts entre le 17 janvier et le 28 février, autant dire que la troupe est particulièrement rodée.
Au niveau de la line-up, le guitariste peut s’appuyer sur une équipe solide avec le batteur Clive Bunker (ex JETHRO TULL, Robin TOWER), le bassiste Colin Bass (futur CAMEL) et les claviéristes Basil Brooks (ex Zorch) et Phil Hodge et du guitariste français Christian Boulé (ex Babylone) spécialiste de la guitare glissando.

L’album studio L se taille la plus grosse part du gâteau, cinq de ses six pistes figurent parmi les neuf titres. Après une annonce sonore pleine de reverb, Hillage annonce la couleur et n’oublie pas de préciser que "The Salmon Song" provient du disque Fish Rising. A l’instar du public, on se retrouve aussitôt comme happé par cette déferlante cosmique de synthétiseurs, de claviers et de guitare. Pendant 7 minutes, le groupe parvient à nous faire voyager entre un état second et expédition cosmique. Si le tintement d’une cloche destiné à sortir le public de la douce quiétude dans laquelle guitares, claviers et moog plongent l’auditoire, cette ballade hyper planante monte crescendo, l’une des pièces maitresses du tandem Hillage/Giraudy.
Grosse connexion entre la première strophe "Thrown like a star in my vast sleep" et l’ambiance instaurée entre le public et le groupe avec "Hurdy Gurdy Man". Si DONOVAN avait concocté une somptueuse ballade Folk Psy avec une étrange histoire de joueur de vieille à roue, la formation dessine ici un nouveau concept bien plus sidéral donnant une autre dimension au morceau. Rien à voir avec les reprises bateau d’Eartha Kitt ou des Four Freshmen, deux summums de médiocrité. Beau déchainement de claviers et de guitare avec "Lunar Musick Suite", titre plus lunaire que la version studio avec une rythmique plus agressive ; on se retrouve là projeté comme par enchantement entre un univers à la GONG et une ambiance conjuguant MAGMA et HAWKIND. "Meditation Of The Dragon" rappelle par sa sonorité et son rythme le souffle de certains passages de l’album Fish Rising.
Les amateurs des BEATLES reconnaitront sons trop de problème "It’s All Too Much", une compo de George HARRISON figurant au générique de Yellow Submarine, film d’animation de George Dunning. Contrairement à la version studio, la reprise incorpore très brièvement deux passages éclairs de "Master Builder" en hommage à GONG et Daevid Allen et "The Golden Vibe", titre inédit de Steve Hillage.

Les trois titres issus du Live en Angleterre ne dépareillent aucunement du contenu, bien au contraire. "Aftaglid", titre présent dans Fish Rising, est ici accommodé d’une ligne de basse plus prononcée, les claviers et les percussions apportent de subtiles touches orientales, tandis que les glissandos de guitare prolongent le voyage entre délire cosmique et trip hindouiste. Une ambiance propre à Steve Hillage. Si la version studio de "Electrick Gypsies" peinait à démarrer avec une étonnante intro de cor tibétains suivie d’un Prog. brouillon produit par Todd Rundgreen, là, la guitare part au quart de tour, tous les instruments s’entrelacent autour d’un phrasé de gratte hors norme. Dernier titre avec "Not Fade Away", grand classique popularisé par Buddy HOLLY. Si certains amateurs de Rock et de Pop risquent d’être déconcertés (voire plus), Hillage nous dresse après 80 secondes de frénésie cosmique une pure transe de 8 minutes, transformant les cactus d’un décor texan en étoiles intersidérales, deux champs à priori biens éloignés.

Auteur de nombreux disques en public, Steve Hillage est ici au meilleur de sa forme. La qualité de dépoussiérage sonore de ce concert vieux de 46 ans demeure un gros atout. Le répertoire cohérent, la complicité et la virtuosité des différents membres et un esprit novateur loin des codes et carcans de la production dite de masse font de cet élégant digipack agrémenté d’un livret intérieur de 15 pages un album recommandé. Aujourd’hui Steve Hillage et Miquette Giraudy se produisent toujours sous le nom de Steve Hillage ou de System 7 et restent les auteurs d’une musique que l’on qualifiera d’épanouie.