Publié par Virgin Records en avril 78, Green", quatrième album de Steve HILLAGE, aurait dû s’appeler The Green Album et faire suite à The Red Album, un titre qui sera abandonné au profit de Motivation Radio sorti dans les bacs sept mois plus tôt.

En 1977, Steve HILLAGE et Miquette Giraudy connaissent une période intense, aussi bien en terme de créativité, de succès qu'en nombre de concerts enchaînés souvent à guichets fermés. A la sortie d’une épuisante mais fructueuse tournée américaine, le guitariste décide de retourner en studio pour enregistrer un album qui a germé en partie dans sa tête bien avant son escapade en Amérique. Si l’excellent Motivation Radio distillait un tableau brossé de quelques touches Funk, cette fois-ci, l’Anglais désire accentuer l'empreinte Prog. de son répertoire en utilisant un Roland GR 500, orientant ainsi l’auditeur vers une atmosphère plus électro-planante sous un décor de science-fiction en arrière-plan.

Outre sa compagne française Miquette Giraudy, HILLAGE retrouve le batteur Joe Blocker (ex-compagnon de route d’Arthur Lee et futur mari de la chanteuse Syreeta) déjà présent dans les deux opus précédents. Le groupe s’agrandit avec l’arrivée du bassiste Curtis Robertson, ancien équipier de Blocker au sein de Karma, petit groupe ricain de Soul Jazz Funky.

Enregistré au Ridge Farm Studio, à un jet de pierre du Surrey et du Sussex, un studio qui connaît une soudaine renommée (Robin TROWER, JETHRO TULL, CAMEL ou THIN LIZZY y ont posé leurs guêtres) , Green propose dix pistes de haut calibre produites sous la houlette de Nick Mason. En décembre 77, le batteur de PINK FLOYD, libre de tout contrat après la tournée "In The Flesh Tour", décide d’explorer le domaine de la production. Mason et HILLAGE ne sont pas des inconnus, le batteur du FLOYD avait collaboré avec GONG et coproduit Shamal. Si la troupe s’offre une coupure pour cause de Noël pour reprendre les hostilités au début de janvier, le répertoire s’annonce terriblement cohérent. Le mixage final effectué à Londres apporte une touche finale particulièrement convaincante.

Si d’entrée de jeu "Sea Nature" permet de faire le lien avec l’opus précédent avec d’étonnantes envolées de synthé et de guitare, tandis que les baguettes martèlent durement le tempo, "Ether Ships" nous envoie en plein univers cosmique avec ses volutes de synthé tandis qu’Andy Anderson (futur membre de The CURE) prend le relai de Joe Blocker aux baguettes. Changement de cap avec "Musik Of The Trees", une guitare électro acoustique endossant le premier rôle sous une délicate couche de claviers. Un morceau idéal pour tout amateur de sylvothérapie (ils sont de plus en plus nombreux). Si après un tel morceau vous n’êtes pas apaisé, "Palm Trees (Love Guitar)" devrait remettre les pendules à l’heure. Les synthés bien que parfois quelque peu débordants nous offrent de subtiles nuances pleines de douceur et de moelleux.
La face B débute avec un virage à 90 degrés, "Unidentified (Flying Being)" nous expédie derechef dans un maelstrom cosmique avec une énorme ligne de basse funky à souhait, des breaks de batterie et un gros travail à la grosse caisse, alors que la guitare et des synthés maintiennent une tension constante. "U.F.O. Over Paris" débute sur un rythme et une mélodie évoquant "Motivation Radio", pleine de peps et d’énergie vivifiante, mais les synthés apportent une touche entre le céleste et le mystique mélancolique à mi-morceau, preuve que l’Anglais sait jouer avec les demi-teintes. "Leylines To Glassoom" nous plonge dans un univers cosmique, on peut ici s’imaginer enfermé dans une bulle en apesanteur, les claviers prenant parfois la tonalité d’une scie musicale et d’un violon électronique. "Cristal City", autrement plus dynamique, nous emmene au cœur d’une fusion spatiale dans laquelle méditation et ésotérisme semblent régner en maitre. De la méditation, il en est encore question avec "Activation Meditation", un instrumental de 63 secondes qui nous transporte dans un autre monde, celui de Steve HILLAGE. Le disque s’achève sur "The Glorious Om Riff" qui reprend les ingrédients de "Motivation" et de l’immense "Searching For The Spark", un titre énergique évoquant certains aspects menaçants de l’univers du réalisateur John Carpenter. Un conseil, il vous suffira de fermer les yeux, de vous remémorer les premières images de The Thing (un loup poursuivi par des scientifiques dans un hélicoptère en plein Arctique) pour tomber dans une sorte de transe cosmique ou hypnotique.

Plus complexe que Motivation Radio, Green fait figure de Must dans le domaine du Rock Prog à tendance cosmique, plus de quarante ans après sa sortie. Ici, Steve HILLAGE prend soin de gommer toute trace d’orientalisme au profit d’un Space Rock terriblement crédible et efficace. D’abord édité en version limitée avec un vinyle de couleur verte, principalement pour une question de marketing publicitaire, le disque se classe au 30ème rang des classements anglais alors que les vagues Punk et New-Wave emmenaient tout ou presque sur leurs passages. Le disque a été réédité sous format CD en 2007 avec 4 titres bonus captés en Live. Une grosse pointe de Prog Rock à tendance Canterbury, une bonne rasade de Space Rock, quelques zestes de NEU et de FLOYD, un soupçon de GONG et de CAN et vous pourrez vous aussi dessiner une belle figure géométrique pleine de symbolisme.