Ceci n’est pas un simple album de remix, mais une restauration de Broken, le fameux et furieux faux e.p. qui imposa Trent Reznor sur le devant de la scène metal indus. D’ailleurs, les années 90 regorgent de ces faux albums de remix qui sont en réalité des rencontres entre musiciens qui se respectent et s’apprécient – raison supplémentaire de sombrer, une fois de plus, dans la nostalgie.

NIN non seulement ne fait pas exception, mais transcende la règle. Il répare ce qui était cassé, fracassé même, en le cassant, en le fracassant en encore plus de fragments. Et, pour ce faire, il s’entoure ici d’indiscutables pointures comme Peter Sleazy Christopherson et son acolyte John Balance ; J.G. Thirlwell ; Chris Vrenna ou encore Butch Vig (l’homme du son de Nevermind, de qui-l’on-sait).

L’introduction de ce brûlot bleu, toute de breakbeat bien hardcore et flippant à souhait, est une déconstruction de "Gave Up", signée Sleazy Christopherson et John Balance. La présence de COIL est à retenir tout particulièrement, comme un lien charnel et spirituel en même temps. Une histoire de fluide, dirons-nous.

Pour les familiers de Broken, une chose à retenir : le morceau le plus retravaillé est le très accrocheur et violent "Wish" par le Maître FŒTUS. Trituré jusqu’à l’entêtement, rallongé jusqu’à la folie mais avec un plaisir hautement communicatif. Cela dit, une fois l’enthousiasme de l’adolescent passé, cet entêtement, cette auto-complaisance dans la poussive répétition, peut objectivement lasser. Je lui préfère nettement "Fist Fuck", toujours par J.G. Thrilwell, une variation plus sinueuse et assez cauchemardesque du même "Wish".

Mais le titre phare reste sans contestation possible la version du classique (et terriblement actuel) "Happiness In Slavery", retravaillé par Trent Reznor en personne. Comme une tragédie techno-gothique en salle de torture. Impeccablement rythmée, précise comme une opération chirurgicale – un beau complément au morceau originel.

Il faut saluer ici la vigoureuse volonté de déconstruire en de nouvelles possibilités ce que Broken avait si radicalement détruit, et non s’attarder sur les quelques très pardonnables longueurs et erreurs de ce bon vieux Fixed – ses défauts même sont des preuves de sincérité, d’authenticité brutes.
D’un autre côté, on peut légitimement regretter l’absence inexplicable des deux titres les plus marquants de Broken, "Physical (You’re So)" et le très brutal "Suck", insidieusement cachés à la fin du e.p. comme chacun devrait le savoir.

En attendant la terrible suite.