La chanteuse BANKS se met à la production de son quatrième L.P, Serpentina, après une période de dépression et ne dévie pas de sa course électrifiante qui nous emmène encore une fois dans son univers de pop dark énigmatique. Diagnostiquée avec une maladie auto-immune, rupture, crises d’anxiété, fracture de la colonne vertébrale… Jillian de son vrai nom enchaîne les galères mais ça ne l’empêche pas de continuer à exprimer ses émotions sur cet album, comme un serpent en mue.

Dès le début, Serpentina transpose l’intensité émotionnelle de la chanteuse sur le titre d’ouverture "Misunderstood" où elle use de distorsions 'dramatiques'sur sa voix soutenue par un beat lent et hâché, pour un effet des plus chaotiques. Sensuelle sur l’instru un peu sauvage de "Meteorite", parsemée de synthés, de cordes et d’accompagnements musclés alors qu’elle se montre clairement irrévérencieuse en mode bad bitch sur le rnb-trap de "Fuck Love" (I don’t know shit about love/I keep on fucking it up/Anything about love/Don’t wanna think about it/I’d rather drink about it).

"Deadend" commence doucement par un piano qui guide toute la chanson, mais se poursuit rapidement en une grosse production sombre et envoûtante qui donne à cette ballade rnb des airs similaires à ceux de "Gimme" sur le dernier album, III. "Holding Back" se pare aussi d’une production lourde et tranchante, avec un refrain entraînant pour illustrer la frénésie du désespoir d’un amour qui se termine.

Le single electro-pop presque angoissant, "The Devil" et son beat trap font bon usage des chuchotements séduisants de BANKS qui décide de revêtir le rôle de diable après avoir fait face à l’adversité, comme on l’imagine briser la toile qui la retient encore sur la pochette de l’album. La chanteuse parvient à y mélanger une sensibilité certaine et l’attitude assertive qu’on lui connaît depuis ses débuts (I’m the devil and I speed with the pedal on the gas/And I think I like the fast life better now). L’un des trésors cachés de ce projet reste la ballade atmosphérique et obsédante "Skinnydipped" où BANKS se lance dans les aigus avant de viser les tons rauques sur une production nébuleuse (Took a dive in the deep and forgot to move/Swim with the fish ’til my kiss turn blue/I aired out my sheets ‘cause they smell like you/I cleaned up the salt in my wounds).

Viennent ensuite plusieurs ballades au piano, plutôt minimalistes en comparaison au style plutôt alternatif de la chanteuse, comme "Burn", "Birds By The Sea" ou "I Still Love You". Sur la première, le beat doux se mêle à la section de cordes qui donne une impression de grandeur et accompagne à la perfection les mélodies sombres qui ne semblent jamais atteindre leur crescendo. "Birds By The Sea", une chanson d’amour introspective où la chanteuse se lamente, est - je vous le donne dans le mille - une grosse chialante pas trop mal ficelée à laquelle on préfèrera le titre tourmenté "I Still Love You", au piano un peu distant et aux vocalises étouffées et pleines d’émotions de BANKS.

Le beat enjoué de "Anything 4 U" semble manquer un battement et met les distorsions vocales de la chanteuse à l’honneur sur la section de cordes, plutôt sympa même si ça ne retient pas autant mon attention que d’autres chansons. "Unleavable", une ballade glaciale au beat vibrant et brumeux, fonctionne bien, c’est du BANKS tout craché. "Spirit", un featuring splendide avec le chanteur SAMOHT, sur un hip-hop serein teinté de soul aux allures de gospel, est probablement l’un des titres les plus optimistes de BANKS (I know it don’t feel easy ‘cause life can feel down and up/But there’s something about that struggle that makes me wanna get back up/Through the rough, diamonds seem to shine the most/Angels surround to love me close).

Encore une fois, BANKS réussit en un tour de main à créer un projet qui lui ressemble totalement, où elle fait serpenter ses auditeurs dans un labyrinthe d’émotions complexes. Son style, ses productions intenses et sa créativité font d’elle une artiste innovante, qui ose faire les choses à sa manière et sait fabriquer un monde sonore retentissant fait de synthés hypnotisants et de rythmes pulsants. Ceux qui ont été mordus par le son de BANKS peuvent continuer d’entendre dans Serpentina - un album égal au reste de la discographie de la chanteuse - la fusion habile de la sensibilité et de la sensualité qui la caractérisent à 100%.