Je l’attendais avec impatience, ce cinquième album de BANKS, une artiste qui est toujours parvenue à me convaincre grâce à son mélange savamment dosé de pop alternative, de R&B sensuel et d’électro obscure. Tout de suite, Off With Her Head qu’elle publie début 2025, rassure. La chanteuse n’a perdu ni sa patte ni ses productions minutieusement millimétrées qu’on reconnaît en un instant.

La chanson d’introduction “Guillotine” reste fidèle à son style. Enigmatique à souhait, l’instrumentation éthérée permet une nouvelle fois à BANKS de transformer ses émotions négatives en force, un domaine dont elle maîtrise tous les codes. Une fois n’est pas coutume, la Californienne rugit doucement son chagrin d’amour en y injectant une grosse dose d’empowerment et elle n’y va pas par quatre chemins. Qu’on lui coupe la tête ! BANKS n’est pas du genre à pleurer sur son sort, alors elle le crie haut et fort sur le beat bien lourd, pas super intéressant, du single "I Hate Your Ex-Girlfriend”. Heureusement pour elle, au milieu des excès d’effets distordus, elle a su s’entourer pour ce titre de la rappeuse la plus en vogue du moment, j’ai nommé DOECHII. Bref, DOECHII sauve les meubles in extremis grâce à son flow sarcastique et enragé.

BANKS se relève de ce faux pas avec le R&B élégant et hypnotique du single “Love Is Unkind”, plus doux et épuré malgré la basse profonde portant la voix de la chanteuse dans ce récit du côté cruel de l’amour. Le morceau “Delulu” est un petit bop bien sympa, léger comme tout, façon pop-R&B et qui, malgré son ton amusant, nous présente la chanteuse sous son jour le plus honnête (My therapist just quit me/She said that she was sick and tired of saying the same thing/Saying the same thing every week/Fuck that bitch though, she don’t get me).

Sur “Move”, BANKS invite la française YSEULT et le mélange des voix, fragiles et aériennes, fonctionne bien - aussi bien que ce mélange de français et d’anglais. Par contre, une fois la chanson passée, on ne s’en souvient qu’à peine. Je ressens exactement la même chose à l’écoute des sonorités dance de “River” ou de “Stay”, petite ballade minimaliste plutôt banale. Si les arrangements sont bien ficelés, on en vient à croire que BANKS s’est mise en pilotage automatique sans pour autant saisir à nouveau l’impact d’anciens tubes comme “Gemini Feed”. Pour le titre “Direction”, la chanteuse de 36 ans met le paquet et propose un beat glitché contrastant (trop) entre tension et relâchement, et pour le coup, c’en est trop : je n’ai qu’une envie, c’est de passer à autre chose.

Le single “Best Friends” est un moment assez sympa et plus subtil que d’autres morceaux, mais est-ce suffisant pour nous captiver sur la longueur ? Malgré tout, l’album n’est pas exempt de bons moments, par exemple j’aime bien l’influence jazzy du piano et des cordes de “Meddle In The Mold”, un morceau qui pique comme un éclair en rappelant le talent de BANKS pour allier productions aussi pointues que feutrées à un songwriting déchirant. C’est exactement pour ce genre de moment adapté à sa voix éclatante que je continue de revenir à BANKS.

J’adore la vibe plus groovy de “Make It Up”, un duo superbe avec le chanteur anglais SAMPHA où les synthés sont brumeux et les refrains accrochent enfin l’oreille. Ce sentiment de déjà-vu persistant nous quitte et on peut enfin se délecter d’un peu d’originalité grâce à ce beat nerveux qui sort clairement du lot. BANKS nous dit au revoir dans le titre final, “Off With Her Head” sur lequel sa voix, moins travaillée à coups d’effets, s’envole dans des aigus mais puise aussi dans des graves intenses.

Off With Her Head est un album qui donne parfois l’impression de tourner en rond. La tracklist manque de moments véritablement marquants et si le style de BANKS est toujours aussi marqué après dix ans de carrière, la chanteuse semble néanmoins stagner dans son propre univers. Une fois l’album terminé, peu de titres restent en mémoire et même si BANKS a parfois réussi à me happer dans sa spirale d’émotions elle n’est pas parvenue à m’y garder pour la durée entière de cet album qui ne fait pourtant que 35 minutes. Tous les artistes connaissent ce moment où la magie opère moins et cette fois BANKS nous laisse un peu sur notre faim.