Après trois premiers albums, un sur le label L’Illustration Musicale d’Eddie Warner, et deux pour la compagnie Musax dirigée par Jacky Giordano, Bernard FÊVRE réalise sa première œuvre pour le grand public. Toujours édité par Musax mais distribué par la filiale française de RCA, Black Devil Disco Club (1978) voit Bernard FÊVRE s’atteler au registre Disco. Six pistes pour trente minutes, s’enchaînant sur chaque face, voilà mine de rien un sacré changement pour Bernard FÊVRE qui jusqu’ici mettait un soin particulier à la concision musicale.

D’emblée, la filiation s’impose : il y a du Giorgio MORDER dans le beat et les nappes de Solina de l’ouverture ""H" Friend". La ressemblance est troublante avec From Here To Eternity, dans les basses séquencées, la batterie compressée et plus ou moins trafiquée. Pourtant, on reconnaît bien la patte mélodique et sonore de Bernard FÊVRE : séquences sourdes, boucles sonores abstraites et mélodies lunaires. On peut également remarquer des différences sonores entre From Here To Eternity et son héritier spirituel Black Devil Disco Club : un son d’ensemble légèrement plus sec, des congas plus distinctes, des séquences plus primitives, des lignes vocales plus parcimonieuses, se partageant en un chantonnement et des paroles peu nombreuses, avec parfois un effet de distorsion mais pas de vocoder.

Musicalement, c’est une réussite. Bernard FÊVRE construit des mélodies pop inspirées en évitant les pièges du format Disco : placer bout à bout des thèmes sans fluidité ou diluer la sauce jusqu’à l’ennui. C’est une excellente alternative aux sorties de SPACE ou SPACE ART, bien plus marquées par la variété française. Tout l’album est convaincant, mais la mention spéciale revient à "We Never Fly Away Again", dont la mélodie imparable et l’incroyable puissance sonore (symbiose de la batterie et de la basse électronique) talonnent le modèle transalpin.

L’album passe quasiment inaperçu à sa sortie, mais sera réhabilité bien plus tard, pour la première fois en 2004 par le label Rephlex qui sort plusieurs rééditions partielles, avec quatre tracklists différentes, certaines incluant un remix de "Timing, Forget The Timing" par l’Anglais Luke VIBERT sous le pseudonyme KERRIERE DISTRICT. Un début de reconnaissance pour Bernard FÊVRE qui l’incite à poursuivre son aventure musicale en public avec des concerts et plusieurs albums studio sous le nom BLACK DEVIL DISCO CLUB. Il faut tout de même attendre 2015 pour voir une réédition en bonne et due forme de Black Devil Disco Club ainsi que Suspense (1975) et Cosmos 2043 (1977).