L'unique album de ce qu'on appelle en 2004 MICK FLEETWOOD BAND de manière saugrenue est une sacrée curiosité. Il ne suit que d'un an la parution de Say You Will, toujours dernier véritable grande offrande de FLEETWOOD MAC à ce jour ; peut-être est-ce en partie pour cela que le bon roi-batteur Mick, déshabitué d'un tel rythme, n'a eu pour Something Big qu'une relative implication - même s'il donne son nom à l'ensemble -, du moins si on la compare à celle de Todd Smallwood. Celui-ci, chanteur multi-instrumentiste et producteur, sans être une star du milieu, a collaboré avec des personnalités de divers horizons, Jackson BROWNE, Gladys KNIGHT, les CHIEFTAINS.

C'est ici pour lui une nouvelle chance de se mettre en avant, malgré le nom de groupe voulu et en sachant encore une fois que Something Big, dont il compose seul tout ou presque, est d'abord 'son' bébé. De toute manière, quelque chose cloche ici, et cela commence avec la pochette, sans doute la plus affreuse d'un projet de Mick Fleetwood depuis une trentaine d'années (Mystery to Me, 1973 et Heroes Are Hard to Find, 1974), même si elle a raison d'évoquer une certaine ruralité bien américaine. Malgré les moyens dépensés y compris pour faire venir du beau monde, l'album se vend très chichement aux U.S.A.

Le premier morceau, "Bitter End", agrémenté d'un son de vinyle, démarre l'ensemble sous les meilleurs auspices pourtant, avec son blues électrique lent et tendant vers la pop, fait de grosses guitares slide bien grasses, d'une basse goulue et d'une batterie minimaliste par Fleetwood qui se contient jusqu'au final échevelé. Todd Smallwood nous présente sa voix, bien différente des chanteurs réguliers de FLEETWOOD MAC qu'ont pu être Peter Green, Bob Welch, Lindsey Buckingham ou même Billy Burnette. Claire et rocailleuse tour à tour, c'est à peine si elle évoque celle de Dave Mason (album Time, 1995) pour le registre 'heartland' voulu.

Pour ces chansons très orientées sud des Etats-Unis où un accordéon cajun s'invite régulièrement, outre cette voix qui va très vite sembler passe-partout due à un manque mélodique flagrant, dès "Bitter End", on entend celle, au contraire franchement excellente, de Lauren Evans. Le grand public l'a appréciée en 1998 dans la bande originale du film animé Le Prince d'Egypte (firme Dreamworks) sous le pseudonyme CHRISTIAN lorsqu'elle a chanté "Didn't I", nominée aux Stellar, les gospel awards, l'année suivante. Bien plus que Smallwood qui écrit les chansons, c'est sa voix sensuelle et forte à elle qui marque les esprits. Elle aussi aurait bien mérité un album totalement pour elle avec papa Mick en soutien !

Malgré cela, ici elle doit se contenter souvent des choeurs, pour les refrains notamment. Ses leads, quoique trop rares, n'en sont que plus marquantes comme sur "It's Only Money", morceau pop-blues un rien m'as-tu-vu dont elle offre toute la bonne dynamique à elle seule. Quant à l'étonnant "Passion", titre percussif auquel Fleetwood offre de fait son unique credit de composition, elle est également un très bon tremplin pour la chanteuse, quand bien même la chanson n'a d'autre de marquant que son ambiance inédite.

Passons vite sur les "Something Big" (trucker-rock frais et sympa où se baladent guitare 12 cordes et accordéon), les sucreries folk agréables "Making Over Plans" et "Watching Over You", avec leurs arrivées parfois trop tardives de Lauren Evans voire de Mick Fleetwood. Sans compter "Looking Into You", repris directement à monsieur Jackson BROWNE tout en invitant celui-ci aux choeurs. Et sans rire, outre le fait que Carlos SANTANA en personne soit co-crédité avec Smallwood sur "No Borders", c'est tout de même "Heaven Sent", conclusion de l'album, qui fait le mieux penser à lui, jusque dans le solo de guitare ! Et néanmoins, pourquoi avoir mis en intro ce piano baroque qui déferle de nulle part ?

Il est clair que l'enregistrement est bon, plein de détails musicaux intéressant, mais Something Big souffre de cohésion comme de manque d'évidence, alors qu'il la recherche justement. Certes, on peut souligner "These Walls" en tant que single idéal, mais aussi trompeur car mélodiquement parlant, il reste une des rares franches réussites. Heureusement, un autre inratable s'avère être le susmentionné "No Borders", pour son duo Evans/Smallwood du plus bel effet, son orgue, ses cordes et son côté hymne pacifique. En plus, non seulement à la basse on retrouve l'acolyte principal de Fleetwood master, à savoir John McVie, mais chose excitante, comme invité de marque, à la guitare et pour un solo magnifique, c'est Jeremy Spencer, un revenant de très, très loin dans la carrière du batteur, quoique certes de passage. Tout comme, pour nous Français et Bretons de coeur, l'apparition d'Alan SIMON, un Nantais musicien d'envergure, bien connu à l'internationale, ici à la guitare acoustique et co-production !

Le disque aurait mérité plus de détours de ce genre ; quatre-cinq morceaux de marque ne suffisent guère à donner envie d'y revenir souvent, hélas.