La carrière musicale de Hannah ALDRIDGE est une tapisserie tissée avec le fil du Sud profond de l'Amérique. Née à Muscle Shoals, l'artiste était prédestinée à devenir chanteuse, par ses racines et son environnement, sa ville d'origine abritant les célèbres studios FAME de Rick Hall qui ont vu, des années durant, défiler quelques grands noms de la musique parmi lesquels Aretha Franklin, Otis Redding, Cher et les Rolling Stones. Hannah ALDRIDGE a embrassé l'impressionnant héritage musical de sa ville tout en forgeant une identité forte, que l'on prend plaisir à découvrir à travers son écriture poignante et acérée, qui la voit explorer avec dextérité l'équilibre délicat entre la rébellion et l'affirmation de soi, créant ce faisant une musique qui s'exprime aussi bien avec la cadence rassurante des berceuses folk qu'avec la force et l'impact sec d'un coup de fouet.

Alors que l'année 2024 marque les 10 ans de son premier album Razor Wire, Hannah ALDRIDGE profite de l'occasion pour proposer une nouvelle édition-anniversaire de sa remarquable entrée dans le monde de la musique. Pour accompagner cette reédition, l'artiste a décidé de repenser l'ordre des morceaux de l'album, de réenregistrer l'un d'entre eux ("Black and White") et d'en profiter pour y glisser un titre inédit enregistré pour l'occasion, "Yankee Bank", qui apporte un peu de fraîcheur et un autre regard sur l'évolution artistique de la chanteuse.

"Yankee Bank" a été enregistré à Muscle Shoals, en compagnie de son père (Walt, véritable légende de la musique en Alabama) et une poignée de musiciens locaux lors des sessions préparatoires précédent la captation du premier album d'Hannah. Ce titre se voit ainsi exhumé plus de 10 ans après sa conception, et bénéficie de nouvelles pistes de voix enregistrées sur les pistes d'origine. Le résultat est fort plaisant, puisqu'il s'agit d'une ballade country-folk portée par une mélodie légère et apaisée. Hannah dépeint sur un fond sonore composé de guitares acoustiques, électriques, et d'un accordéon discret, une Amérique rurale, et n'est pas avare en image qui nous propulsent dans un Alabama que l'on imagine ici écrasé de chaleur, un soleil ardent forçant à ralentir le tempo. Un violon fait son apparition après le premier refrain, apportant une dimension supplémentaire à ce titre interprété avec une fausse nonchalance mais une vraie qualité de narratrice. Hannah ALDRIDGE nous emmène avec elle au cœur de la Bible Belt, et sa musique parle de manière intime à ceux qui connaissent la complexité de vivre dans un état porté par un fondamentalisme chrétien très fort et la lourdeur d'un passé sombre d'un état dont la population a compté dans les années 1860 près de 45% d'esclaves. Il y a dans la voix d'Hannah une certaine pureté rugueuse qui témoigne de cette ambivalence, et donne à ce morceau une saveur authentique et une force mélodique impressionnante.

Naturellement charismatique, Hannah ALDRIDGE nous propose ici un inédit fort bien troussé, titre country-folk évocateur et puissant. Si l'on comprend qu'il ait été laissé de côté lors de l'élaboration de la tracklist de son premier album, nous pouvons être reconnaissants qu'il nous soit aujourd'hui offert dans cette version réenregistré qui ajoute à sa pureté juvénile l'expérience de la chanteuse. Pas le plus grand titre du répertoire de cette indispensable artiste américaine, mais un intéressant complément à ce répertoire de jeunesse.

3,5/5