Donald Glover l’avait déjà annoncé par le passé, il compte offrir une retraite bien méritée à son nom de scène musical Childhish GAMBINO, mais sans pour autant arrêter la musique. Ses fans sont restés dans l’expectative et n’ont heureusement pas (encore) besoin de dire au revoir au rappeur tel qu’on le connaît.

Dans Bando Stone & The New World, son sixième (et dernier ?) album studio sorti en 2024, GAMBINO tisse une histoire sonore riche et immersive, dans la continuité de son exploration musicale qui a marqué ses précédents travaux. Le projet s’inscrit dans un contexte de créativité bouillonnante pour Donald Glover qui jongle entre ses rôles de musicien, acteur, producteur et scénariste puisque le disque n’est autre que la bande son du film du même nom qui devrait sortir prochainement.

On rentre dans le vif du sujet sur le morceau d’introduction "Hearts Were Meant To Fly", entre musique de film apocalyptique et de jeux vidéos. En un coup de main, GAMBINO nous plonge comme par enchantement à grands coups d’effets et de synthés délirants dans un monde qui fait presque peur mais où on est toujours bien accompagné (Shoot a motherfucker, I’m the new Spike Lee/Everybody know me, I don’t need I.D.).

Il continue l’expérimentation avec des effets vocaux en tout genre et des beats bien trempés sur le très fun "Can You Feel Me" dans lequel il sample la série Sesame Street avec son fils Legend, sur "We Are God" ou sur le single "In The Night" avec l’anglaise Jorja SMITH et l’américaine AMAARAE. Ces deux morceaux tendent vers une sorte d’électro-pop-ambient assez sympa, à la croisée des genres musicaux.

Le rythme et la mélodie sont très pop sur "Real Love", alors que le single "Lithonia" et "Running Around" prennent quelques accents de soft-rock avec des guitares et un orgue majestueux. La ballade "Steps Beach" à la guitare acoustique est très jolie, un moment paisible et un peu soul dans cet album qui demande beaucoup d’attention tandis que "No Excuse" tire ses inspirations d’un jazz-ambient qui monte en intensité et fonctionne à la perfection.

Le chanteur-rappeur de 40 ans reste toujours aussi convaincant et créatif, que ce soit au travers d’un rap plus que maîtrisé dans les très, très cool "Talk My Shit" et "Cruisin’", sur le featuring "Survive" avec la chanteuse R&B CHLÖE (It’s a new verse with my old flow/There’s a new world and old one/He was 17 back in ’01/Now we forty-teen, having no fun) ou dans une vibe 100% électro sur un sample de The PRODIGY dans "Got To Be".

Childish GAMBINO se lâche sur "Yoshinoya", une diss track à l’encontre de DRAKE au beat génial où il revient sur la récente affaire Kendrick LAMAR/DRAKE (My tweets all lowercase, I saw these niggas cappin’/My homegirl said you a stalker, so we ain’t dappin’), un moment puissant qui nous rappelle à quel point les rappeurs aiment se tirer dans les pattes. On termine l’album avec trois tracks bien plus chill, histoire de redescendre tout en douceur sur des rythmes aux petites touches de reggae, que ce soit "Dadvocate", "Happy Survival" avec le trio américain KHRUANGBIN ou "A Place Where Love Goes" où la livraison vocale de GAMBINO nous replonge un peu dans l’atmosphère de l’emblématique "This Is America".

Influent culturellement de manière multi-disciplinaire et discret comme un homme normal, Donald Glover continue de repousser les limites de la musique contemporaine avec cet album inclassable. Ovni innovant et bien rythmé dans un monde en mutation, Bando Stone & The New World sonne peut-être la fin de Childish GAMBINO mais certainement pas celle de son créateur.