Garbage est le troisième E.P d’AUTECHRE, cette entité organique si mystérieuse, porte-parole des sentiments que peuvent ressentir les machines.

Issu des mêmes sessions qui produisirent Amber, le disque présente quatre longues pièces rythmées et encore fortement immergées dans l’ambient dont les intitulés demeurent énigmatiques, bien qu’ils fussent rapidement raccourcis, arborant au départ le pourcentage d’occupation de chaque pièce sur l’album.

L’initial "Garbagemx" et ses quinze minutes représente le plat de résistance. Au départ simple pulsation cardiaque arythmique, la pièce débute son rythme de croisière au bout de trois minutes avec l’irruption d’un tintement métallique régulier et son écho plus incisif. Progressif, le titre développe ensuite un propos abondamment peuplé de voix inintelligibles semblant vouloir communiquer, aboutissant à un climax prenant la forme d’un break sur une plage digitale. Assiste-t-on au cri d’un animal mécanique robotique ou au douloureux spleen d’un processeur informatique ?

"PIOBmx" est tout aussi métronomique, telle une horloge atomique d’une précision diabolique, et conserve ces nappes décisives où la mélodicité d’AUTECHRE se déploie pleinement. Plus qu’une jungle cybernétique, cette langueur aquatique invoquerait plutôt un aspect sexuel prégnant, ces chuchotements féminins exprimant d’infinis orgasmes synthétiques.

"Bronchusevenmx" conserve ce caractère aqueux mais le dilue au sein d’une obscurité baignant un labyrinthe égoutier désert mais pourtant soumis aux échos de millions de pas, tel ce niveau dans le jeu vidéo Halo – Amon TOBIN a bien réalisé la musique d’un Splinter Cell ! – où on suit un petit robot aux intentions pas tout à fait nettes voire renégates, 343 Guilty Spark pour le nommer, antique intelligence artificielle chargée de veiller sur cette mystérieuse structure annulaire et peu encline à nous attendre alors que des boyaux dégoulinent des milliers de parasites belliqueux, tout cela afin de récupérer un mystérieux objet pourtant essentiel. Les pas finissent par s’éteindre, laissant ces nappes méditatives orphelines, matérialisation d’un épuisement l’emportant finalement.

L’album se termine sur l’effroi créé par "VLetrmx" et ses étendues arides, uniques preuves de vie animant cette solitude glaciale inhérente aux voyages spatiaux. En effet, plus qu’un champ d’aérodrome, ce décollage serait plus à rapprocher d’une fusée quittant une atmosphère pour gagner l’orbite d’une planète dont elle ne put s’extraire ensuite. Un piège sinusoïdal et symétrique, sans doute mortel, l’avenir le dira.

En plus de moutons électriques, les androïdes rêvent assurément de trouver les pressages originaux de Garbage, que l’on peut voir d’ailleurs trônant fièrement et momentanément dans le capharnaüm entassé par J.F. Sebastien. Une plaque essentielle et décisive du duo britannique, idéale pour accompagner une virée cyberpunk, quelle que soit la planète où elle pourrait se dérouler.