Nous avons quitté tel un pleutre l’idole des jeunes du monde entier alors qu’il s’apprêtait à quitter le monde des superstars pour celui des loosers. Non, ce n’est pas bien et étant donné le pedigree de notre chanteur et les heures de gloire qui l’attendent encore, il est du devoir du chroniqueur de poursuivre sa tache vers l’exhaustivité. C’est pourquoi me voici devant la pochette de son 8ème opus, alors que lâché par Imperial il a signé chez Decca afin de continuer à vivre sur le train nécessaire à sa survie, entre la consommation de groupies et celle de ganja, c’est que tout ceci demande un budget faramineux ! Faites un calcul rapide, cet opus sort pour ses 23 ans, il n’est encore qu’un tout jeune homme.

Alors en guise de changement, Decca décide de sortir une version de la "I Got A Woman" de Ray CHARLES, assez speedée pour faire de notre Ricky un Eric tout nouveau tout beau. La réalisation est assez réussie, et on entend enfin un peu d’agressivité dans la voix du chanteur, alors que James se lance dans des tricotages bien huppés pour l’époque, tout au moins dans le rock. Ensuite, nous sommes surpris par "Gypsy Woman", une pièce plus ambitieuse que celles de son répertoire habituel. Il y a ici comme une forme de pré culture hippie, baba cool alors que nous ne sommes qu’en milieu d’année 63. Les choeurs, l’ambiance générale, tout ceci est diablement surprenant. Le chant d'Eric y manque un peu d’agressivité mais, hormis ce détail, tout concourt à en faire un bon morceau. "Everytime I See You Smiling", sur lequel le remuant James abat un travail conséquent, investit les territoires du tonk’n’roll.

Il faut essayer de faire transiter notre jeune vedette et en faire un homme pour un public probablement plus averti et âgé. Ces trois titres assument un nouveau statut. Hélas, "For Your Sweet Love" est une gentillette composition sans beaucoup de relief, qui ressemble aux anciens classiques de Rick, mais bénéficie d’une scintillante intervention de James Burton. "String Along", qui sonne telle une copie conforme de "Travelin Man", est mignonne bien sûr. Mais, que doit-on en faire alors qu’on dispose de l’originale ? Et on embraye sur un autre ersatz de "Travelin Man". Voyez donc ce "I Will Follow You". Pourquoi vouloir à tout prix reprendre cette formule certes magique mais qui ne peut évidemment pas se recycler à l’infini ? "Everytime I Think About You" propose un rythme un peu plus original, même si le traîtement reste très mainstream.

"Pick Up The Pieces" enfourche le statut de la teenage idol avec des choeurs trop insistants et qui ruinent quelque peu la compo. Et ça continue avec "One Boy Too Late". Il est navrant de constater que les producteurs n’ont pas souhaité plus se séparer de ce style qui va continuer de coller à l’image du chanteur. Rien de honteux bien sûr, quelques élans dynamiques sur "Let’s Talk The Whole Thing Over" mais pour le moment tout ceci est bien propret. "What Comes Next" ne nous arrange guère plus avec ses choeurs façon jordannaires. On ne quitte pas du jour au lendemain un statut qui rapporte des millions de dollars. On va donc se taper des slows doowop qui rivalisent de kitscherie, c’est le cas de "You Don’t Love Me Anymore".

Hormis les trois premiers titres cités, on observe une évolution à peu près inexistante des compositions proposées à Ricky NELSON. Il semble que Decca ne comprenne pas la situation dans laquelle se trouve la musique populaire en 1963 : c’est pourtant simple, le rock’n’roll est en train d’agoniser. Il convient de trouver un nouveau filon, d’autant que Rick est tout jeune – il a l'âge de John LENNON qui s’apprête à prendre en rênes les destinées de la musique mondiale. Il n’y a rien de minable dans cet album, même si j’y vois beaucoup de redites du standard "Travelin Man", mais la prise de risque est trop minime.
C’est un 2,5, mais je donne un 2 au premier Decca de Ricky, avec un accessit pour le boulot de James Burton à la guitare.