Quel curieux destin que celui d'Eric NELSON ! Il aura occupé tous les statuts existants de la musique populaire, idole des jeunes, rock stars, idole déchue, artiste culte… Une vie unique qui plus est, achevée brutalement dans les débris de son avion de tournée alors qu'il n'avait que 45 ans. Pour le moment cependant, nous attaquons le troisième album de Ricky en chef de bande du country rock avec son STONE CANYON BAND. Il produit d'ailleurs l'album, troisième de cette nouvelle ère chez Decca, sachant parfaitement ce qu'il souhaite et en compose la majeure partie, ainsi qu'il commence à en avoir l'habitude. Nous sommes loin de la star enfant qui obéissait à son père en tout, désormais, il assume sa personne avec aplomb et une certaine confiance.

Et puisque tel est le titre de légende de cet album, il faut débuter par la genèse de "Garden Party", son grand classique des seventies. Invité à un concert regroupant ses pairs parmi lesquels Chuck BERRY, la foule a du mal à le reconnaître avec ses cheveux longs aux antipodes de la teenage idol qu'il campait dans les fifties, et le voilà qui se lance ensuite dans son cher country rock et n'hésite pas à balancer le "Honky Tonk Women" des STONES , la foule réagit mal – les raisons restent encore troubles – et Rick gardera longtemps cet épisode en mémoire. Il écrit "Garden Party" en souvenir de ce moment, un titre qui ressemble à ses vieux classiques mais dont les paroles sont assassines. Un classique de plus donc, qui va rétablir les faveurs du public à son encontre, en atteignant le top 6 du Billboard, tant d'années après !

Et donc… le country rock existe, la preuve ? Ecoutez donc "Don't Let Your Goodbye Stand", qui contient tous les éléments qui feront le succès des EAGLES, du NITTY GRITTY OLD DIRT BAND, des DOOBIES BROTHERS et autres futurs cadors du genre. On navigue entre des influences bluegrass et rockabilly sur "So Long Mama", au rythme trépidant, Rick y est méconnaissable mais excellent, le solo est un classique du genre ainsi nouvellement crée ! Le gratteux Allen Kemp s'est pointé avec le titre "I Wanna Be With You", un rock aux chœurs aériens bien sympa. "Night Time Lady" est très smooth, léger et vaporeux, on imagine que Ricky n'a pas arrêté de fumer d'énormes cônes, et nous voici en plein délire psychédélique option guitar steel.

Slow doucereux au départ pour "Let It Bring You Along", composé par son nouveau bassiste Stephen Love qui gagnera ici ses lettres de noblesse, qui tourne ensuite hard rock dans un sens southern, on est entre LYNYRD SKYNYRD et les OUTLAWS, mais oui ! Dingue non ? Je vous le fais pas dire ! D'ailleurs, je vois un avant goût des grand groupes de hard blues à venir dans "A Flower Opens Gently By"...Vous ne voyez pas le rapport avec les aussies d'AC/DC les gars ? Cette manière si blanche d'attaquer le blues ? Cette rigidité dans les rythmiques ? Et oui, c'est encore une compo de Rick… Voila qui nous laisse à nouveau médusés !

On ralentit le rythme un peu : la douce complainte de "Palace Guard", agrémentée de sa lointaine guitare steel crépusculaire contient des parles acerbes sur le rapport d'un couple dont on imagine qu'il s'agit du sien, puisque rien ne va plus avec la dépensière kris. Puis il reprend Chuck BERRY, qui rame aussi pas mal à l'époque, avec "I'm Talking About You", un rock aux consonances BEATLES, c'est la quadrature du cercle. Et finalement on réintègre les rivages de la pop avec "Are You Really Real" qui penche encore vers les scarabées de Liverpool, une clarinette s'en mêle et on se dit que ce diable de Ricky nous surprendra jusqu'au bout !

Le nombre d'éléments modernes dans cette galette est tout bonnement incroyable pour l'année 1972. Ricky NELSON complète sa création du country rock avec un talent consommé, mais ne dédaigne pas pour autant réintégrer des territoires pop ou blues, se posant ainsi en créateur assez génial. Le classique "Garden Party" est... de la partie, et cet opus symbolise au mieux le grand retour de Ricky NELSON, puisqu'il va se vendre la bagatelle de huit millions d'albums de par le monde ! Pour un artiste has been complètement "préfabriqué", voilà qui ne manque pas de piment. Aussi je vous encourage vivement à vous pencher sur cet album à la belle couverture en noir et blanc, Rick y campant son personnage de rock star sans la moindre ambiguité, j'ai envie de dire avec fierté ! C'est un joli quatre.