Passé le cap de 1970, le succès pour PENTANGLE est derrière, pratiquement pour de bon. Cruel Sister, malgré son rang de classique, n'a pas obtenu l'accueil escompté et s'est relativement peu vendu. Reflection, l'album numéro cinq, ne fera pas franchement mieux et le groupe connait alors pas mal de tensions, à commencer par le critère financier justement mais pas que.

C'est le moment des engueulades avec la maison de disques Transatlantic - ils collaborent pour la dernière fois -, mais également au sein de l'effectif même. Bert Jansch et John Renbourn arrivent trop souvent ivres pour pouvoir enregistrer décemment et, des dires de l'entourage, il ne se passe pas un jour sans qu'un membre annonce son départ !

Les choses vont néanmoins se stabiliser pendant encore plus d'une année, et de façon miraculeuse, Reflection n'a pris qu'environ trois semaines pour être enregistré. Toutefois, c'est aussi, dans leur discographie, celui que l'on ressent comme le plus fait à la va-vite, justement. De bonnes idées mais un manque certain de profondeur, trop de répétitions, et caetera.

L'oeuvre est au moins équilibrée avec pour moitié des compositions de tout le groupe, pour l'autre des reprises d'airs traditionnels. Parmi ces derniers, une chanson américaine, "Ra in and Snow", reposant sur le banjo de Jansch et le sitar de Renbourn, portée par une Jacqui McShee toujours aussi envoûtante et accompagnée de choeurs masculins, offre une fausse sensation de réelle unité.

Comme pour faire contrepoint à Cruel Sister qui était très axé sur la voix de la chanteuse, Reflection ressemble à une prise de contrôle des gars (et plutôt bancale on le sait, vu leur état) au cours de laquelle ils nous rappellent, parfois, qu'ils ont une super chanteuse. Bien sûr, si on ne l'entendait pas, elle, dès le départ et de façon réjouissante, à l'image de cette beauté folk féminine qu'est "Wedding Dress", il y aurait un problème d'appréciation dès le départ ! Mais non, ils font bien illusion, Danny Thompson est très impliqué avec même une double partition de contrebasse à l'archet.

Renbourn et Jansch se réservent ensuite "Ornie Wise", aux arpèges délicats et brumeux, sympathique mais un peu répétitif, puis "When I Get Home" au joli début crépusculaire, à la batterie de Cox exotique, au refrain jazz et rythmé et ponctué d'une guitare électrique clean tout le long. Agréable mais point essentiel, idem sur la seconde face avec "So Clear" en trois temps, le meilleur demeurant "Helping Hand", avec davantage de surprises dans les arrangements et avec Mc Shee planant en fond.

C'est bien elle qui illumine le projet par sa présence quand elle l'accorde, avec au moins d'abord "Wedding Dress" puis "Will the Circle Be Unbroken?", au tempo binaire bien marqué, folk à caractère pop vraiment chouette, harmonica compris pendant un solo de guitare jazzy. Enfin, les onze minutes finales de "Reflection" ne parviennent pas à égaler celles de "Jack Orion" sur l'album précédent.

Outre les moments avec McShee, le meilleur moment de ce pavé demeure le solo de batterie 'pas toute seule', il y a des idées d'arrangements intéressantes mais on sent que c'est vraiment 'pour faire long'. En soi, un album qui veut faire bonne figure mais ne peut masquer le contexte dans lequel il a été créé.