L'album de la rupture, pourtant d'apparence plus 'soudé' que le précédent. C'est à n'y rien comprendre, mais il est certain que depuis deux ans, PENTANGLE est sur la pente descendante, et ce n'est pas sans cause quelques frictions internes. Il y a rupture du contrat avec Transatlantic, et un début de collaboration avec la Warner via Reprise Records, mais qui s'avèrera être une parenthèse pure et simple. Les ventes de Solomon's Seal sont désastreuses, Bert Jansch est premier à quitter le navire, entraînant le même mouvement pour le reste du groupe, et tous devront encore des dettes à Reprise dix années plus tard pour combler la généreuse avance. Heureusement, ce n'est point la fin véritable de l'histoire, en revanche PENTANGLE perd définitivement son rang de chef de file.

Si ce sixième album ne révolutionne nullement le revival folk anglais, cela vaut d'abord aussi pour par rapport à la carrière du groupe lui-même. L'audace est ici au placard, le plus long morceau dure 6 minutes 50 et demeure relativement tranquille : il s'agit de la ballade écossaise "Willy O' Winsbury", pierre angulaire de l'album et chargée d'histoire. Un roi, fâché que sa fille ait été mise enceinte pendant son absence, renonce à faire tuer le jeune fauteur en découvrant sa beauté, lui offre au contraire tout ce qu'il pouvait rêver, y compris la main de la princesse. Notre godelureau l'épouse mais, très humble, se décharge de son héritage royal sur elle.

Andy IRVINE avait déjà fait une version de la chanson en 1968, puis l'air a été repris par FAIRPORT CONVENTION en 1970 pour "Farewell, Farewell". La version de PENTANGLE est plus proche de la tradition, fort beau moment conduit par Jacqui McShee, au rythme ternaire folk envoûtant et John Renbourn presque autant présent à la flûte à bec qu'à la guitare comme ailleurs sur le disque, pour renforcer un plaisir inédit. Le travail de la chanteuse ici n'est d'ailleurs pas sans évoquer une suite digne à Cruel Sister, avec l'ensemble du groupe réuni plus souvent, mais une qualité égale. De plus en plus assurée dans son rôle de folkeuse enchanteresse, elle apporte une grande beauté aux mélodies simples, répétitives, sautillantes ou douces, de "High Germany", "The Cherry Tree Carol" et "Willy O' Winsbury".

Et du coup, ce qui cloche avec cet album apparaît dès les premiers instants. Quand c'est Bert Jansch qui chante, on se laisse moins facilement prendre cette fois, surtout qu'il s'octroie le luxe d'ouvrir l'album. Pourtant, "Sally Free and Easy" de Cyril TAWNEY est une chanson parmi les plus mémorables et populaires du répertoire marin contemporain (reprise également par les Bretons Alan STIVELL et An TRISKELL), mais ici, avec son jazz planant, malgré la contrebasse de Thompson et le jeu de Cox sur les cymbales, malgré le bon solo baveux de Renbourn avec phaser, elle sonne un peu trop 'intello' et jusque dans le chant.

"The Snows", mentionnée à tort comme une composition originale du groupe, possède une chouette ambiance avec les roulements de Cox, l'arpège hivernal et la flûte à bec de Renbourn, mais elle tend à nous convaincre que Jansch côté leader n'est pas ici à son meilleur. On préfèrera les trois idées véritablement écrites, elles, que sont "People on the Highway", folk-pop jazzy inspiré (bien que tournant en boucle la aussi), "No Love Is Sorrow" ainsi que "Jump Baby Jump" et son ton américain bien solaire, toutes à l'honneur du tandem mixte vocal que pouvaient constituer Jansch et McShee depuis le début de l'aventure, cinq années plus tôt.

La galante complainte "The Cherry Tree Carol", avec ses arpèges lead fort beaux et ce rythme médiéval, se hisse au niveau du meilleur proposé par PENTANGLE en ces années-là, idem pour la très chouette gigue "High Germany". Quant à "Lady of Carlisle", encore un trad enrichi, elle use du banjo de Jansch aussi bien que d'une excellente guitare électrique avec wha-wha et chorus par Renbourn, de l'harmonica que des effets bavards de Terry Cox et Danny Thompson. Bien que fort bien suivie par Renbourn vocalement cette fois, McShee donne encore le meilleur pour conduire ce titre d'élégance aussi bien que de caractère. Un joli final avant un long silence !