Un banjo frénétique, d’irritants jouets pour enfants : nous voici embarqué dans l’un des albums les plus emblématiques de NURSE WITH WOUND.

Sorte de catalogue du savoir-faire bizarre et bigarré de notre ami Stapleton, A Sucked Orange laisse peu de temps à l’auditeur pour reprendre son souffle : sitôt installé dans une pièce qu’on l’y ressort pour une autre toute différente de ton et d’humeur. L’ensemble se laisse pourtant écouter plaisamment et, à force d’écoute, paraît tout à fait cohérent – je parle de cette cohérence du monde des rêves, bien entendu. Il n’est pas superflu de préciser qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un album, mais plutôt d’une espèce de compilation de collages sonores enregistrés sur cassettes entre 1979 et 1987. Notons également que l'initiative ne vient pas du principal intéressé, mais de Mark Hayward du label Vinyl Experience.

Les références s’enchaînent allègrement, que ce soit directement à NWW comme sur la grinçante et tribale "I’m A Frayed Knot" où l’on croit reconnaître, en accéléré, l’univers désertique de Soliloquy For Lilith, ou le piano bien boogie de "This Piano Can’t Think" déjà entendu sur Spiral Insana, ou encore à l’ami David Tibet de CURRENT 93 avec "Dogs Breath Rising", sans oublier des classiques de la contre-culture, comme sur les lobotomisantes "Rockette Morton Part One / Part Two" où un sample du génial et toujours aussi tragiquement incompris Trout Mask Replica de CAPTAIN BEEFHEART est répété façon Steve REICH (c’est-à-dire avec moult superpositions), avant que de finir noyé sous un brouhaha d’échos, ou encore à Frank ZAPPA sur l’énigmatique "Great-God-Father-Nieces".

Il faudrait inventer un genre particulier pour y ranger les étonnantes expérimentations réunies sur cette galette. Le terme indus, dans lequel d’ailleurs Stapleton ne se reconnaît pas, est utilisé à défaut de mieux, même si, objectivement, celui de Krautrock serait peut-être plus approprié. Appelons là Krautindus, en hommage au drôle d’oiseau de la (superbe) pochette.

Plus encore que l’exigeant Homotopy To Marie, ce disque, de part son format saucissonné, peut aimablement faire office de porte d’entrée dans l’une des nombreuses plaies ouvertes de notre infirmière préférée.