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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

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Patricia KAAS - Mademoiselle Chante (1988)
Par MARCO STIVELL le 27 Février 2025          Consultée 492 fois

François Bernheim a le nez fin. Après avoir marqué la première moitié des années 70 par le lancement et la production d'artistes à succès divers (les POPPYS, RENAUD, Marie LAFORÊT, Gérard LENORMAN etc), sa carrière s'essouffle un peu pour revenir dix ans, au milieu des 80's et d'une bien belle façon, une blonde ! Une nouvelle trouvaille en chair et en os qui n'a pas encore vingt ans mais une réussite en attente se nomme Patricia Noëlle KAAS. Une fille du bassin houiller de Lorraine, dans le département de la Moselle (Stiring-Wendel/Forbach) limitrophe avec l'Allemagne, ancien noyau de la sidérurgie tout comme Florange, Hayange et autres communes. Elle-même tient ses origines de tout cela avec d'un côté son père du coin, ouvrier mineur au Siège Simon et de l'autre sa mère, Allemande qui l'élève au départ ainsi que ses six frères et soeur aînés dans la langue de ses origines (et plus exactement le francique lorrain, dit 'platt').

Heureusement pour elle, Patricia KAAS qui aime tant et tôt la musique se voit encouragée par ses parents, particulièrement sa maman 'meilleure amie', de s'y mettre vite et de monter sur scène. En sus d'une première expérience non-vocale au sein d'une troupe de majorettes à 11 ans, elle met donc très vite en pratique sa passion pour les standards jazz, soul, variété française etc, d'abord en pleine adolescence à Sarrebruck. Autrement dit, l'Allemagne la plus proche où un cabaret la fait chanter tous les week-ends. Et c'est finalement un peu plus loin, à Francfort-Sur-le-Main en pleine Fête de la Bière (tout sonne vraiment très local !), que François Bernheim vient l'écouter vraiment, pour décider à la fin de la prendre sous son aile.

Grâce à lui vient un autre soutien, celui du couple Depardieu, Gérard l'acteur parrainant la miss et puis Elisabeth, son épouse. C'est elle qui co-écrit avec Bernheim le premier single de Patricia KAAS, "Jalouse", paru en 1985, avec une synthpop qui la rapproche stylistiquement de Rose LAURENS, mais sans succès (on la voit un peu à la télé... suisse, chanter son titre dans Trèfle d'Or, émission présentée par Christian MORIN). Deux ans plus tard, sieur Bernheim retente l'expérience mais cette fois avec un certain Didier BARBELIVIEN. Celui-ci a justement sous le coude un titre co-écrit avec Robert 'Bob' Mehdi (qui a aussi travaillé pour les COMPAGNONS DE LA CHANSON, Seda AZNAVOUR - fille de Charles – et François VALERY ; décédé en 1988), intitulé "Mademoiselle Chante le Blues", refusé par NICOLETTA. Le single sort en mai 1987, pendant la vingtième année de la chanteuse, mais sans trop faire remuer dans les chaumières.

Il faut attendre novembre de la même année, et ensuite un an plus tard, avec la sortie du 33 tours/CD complet écrit par Bernheim et BARBELIVIEN, pour que ce soit le carton que l'on connaît. Sachant qu'à côté, sur l'album, il y a aussi "Mon Mec à Moi", apparemment refusé par Michèle TORR aussi, et en ouverture de surcroît. Dès lors, l'ambiance est posée, le portrait établi. Cette fille mince de Lorraine, donc 'de l'Est' pour une majeure partie des Français, aux cheveux blonds, aux traits anguleux et aux yeux clairs évoquant l'autre côté du Rhin, voire toute la partie d'Europe tirant jusqu'à la Russie (où elle aura un succès comparable à celui de Mireille MATHIEU), cette fille à la voix chaude, au vibrato et timbre rauque légers, n'a pas vingt-deux ans qu'on la considère déjà comme une nouvelle 'conquête', pas seulement artistique.

Avec des textes pareils dotés d'ambiances musicales aussi sulfureuses, héritières des cabarets et autres scènes music-hall, passées à la moulinette 80's, Patricia KAAS va vite connaître un succès massif mais aussi les plaisirs et les potentielles dérives, des amants de passage (nombreux et plus ou moins connus) aux versions masculines du mot 'groupie'. Tout cela alors que sa mère, protectrice, plus précieux soutien, est en train de s'en aller, décédant des suites d'un cancer six mois après la sortie de l'album. Il y a donc ce début de carrière en trombe, porté par deux chansons qui laissent leur empreinte indéfectible : voix forte et sensuelle, textes entre soumission et sex-appeal (même si celui de "Mademoiselle Chante le Blues" décrit plus profondément le rêve voire le parcours d'innombrables demoiselles), rythmes ternaires issus du blues/jazz le plus torride et arrangements résolument programmés aux synthétiseurs, guitare mise à part.

Ce qui pourrait faire fuir sur le papier, concernant la musique notamment, se révèle curieusement pour le moins acceptable à l'écoute, même avec le recul. Il fallait bien un ingénieur sonore de renom comme Bernard Estardy, dans ses chers studios CBE à Paris, pour parvenir à un résultat plus qu'honnête, où le kitsch n'est pas tant de mise, quand bien même tout ce qui est saxophone, harmonica voire accordéon se trouve sorti du Synclavier et autres ordinateurs. En plus, c'est spacieux, joliment défini. Et quand bien même les deux singles s'ancrent dans nos têtes comme il se doit (ou pas, diront les détracteurs), "Mon Mec à Moi" notamment avec son refrain et le reste de ses paroles sexy exprimées comme si elles étaient confiées à une copine ou un psy, son banjo New-Orleans autant que sa basse ouin-ouin, ils ne constituent pas le meilleur de l'album.

Toute fille facile ou femme fatale qu'elle paraît, Patricia KAAS garde pour qui l'écoute vraiment une invitation toute humaine à ce qu'elle est depuis toujours, une enfant avant d'avoir été adulte, une jeune personne qui a ses souvenirs et son environnement chevillés au corps. Voilà pourquoi, même s'il y a toujours des 'shuffles' (rythmes ternaires) torrides et autres effets du genre, faux tango etc, les autres morceaux proposés sur cet album en font l'intérêt au moins autant que les tubes. Il est aidé de comprendre pourquoi à l'écoute des "D'Allemagne" et "Souvenirs de l'Est", ce dernier par la tendresse qu'il évoque, les 'tramway du soir, dimanche brouillard' et au-delà, une nature 'insoumise et fière' (avec le soutien de ses parents, elle a été à bonne école) soulignée par un sax alto rugueux...

Le premier, c'est pour l'ambiance, le choix d'une grande dramaturgie à teneur historique (Allemagne chère où 'le passé est une injure, l'avenir une aventure'), la couleur ancestrale et culturelle ('auf wiedersehen Lili Marleen!'). D'autres titres sont tout autant notables pour leurs développements ("Des Mensonges en Musique", où le public enthousiaste du single "Mademoiselle Chante le Blues" revient se manifester), parfois leurs changements étonnants tels le jazz smooth des couplets et le blues des refrains pour "Elle Voulait Jouer Cabaret" (autre portrait féminin, face aux buveurs de vodka, de cocktails comme de Picon, aux yeux et attitude Looney Tunes, de ce que masque en elle la diva aux jambes nues, la femme fatale au micro). Il y a un véritable travail de fond, des trouvailles enrichissantes et quoique l'on pense de miss Patricia, ces chansons ont clairement été écrites pour elle, taillées sur mesure, même celles qui ne l'étaient d'abord point.

Il y a du déjà très 'Klaassique', outre les deux tubes, à l'image encore de ce "Dernier Blues" feutré et bien tourné (seule une chanteuse comme elle peut faire fondre avec un dernier vers pareil : 'avant qu'les hommes aient pris mon coeur pour un igloo'), de "Quand Jimmy Dit" où la miss fait sa crooneuse à la gloire d'un 'vrai p'tit mec', chanteur et marlou local, fictif, star en chaussures Weston qui met la province à ses pieds (et l'Est va bien au moins jusqu'à Montbéliard, Haute-Saône). Tout y est donc, et en accords mineurs de préférence, car ça reste grisailleux, la Lorraine !

Mais il y a d'autres moments où Patricia sonne moins 'Kaastafiore'. Par exemple, "Vénus des Abribus", seule composition sans BARBELIVIEN mais avec Elisabeth Depardieu et où Bernheim s'est aussi fait aider par Dominique Perrier (l'un des plus proches collaborateurs de Jean-Michel JARRE depuis l'époque CHRISTOPHE et ses "Mots Bleus"), avec ses nappes soufflées et au ton légèrement cynique. Critiquant ceux qui critiquent justement ('fallait pas faire la belle !' etc), la chanteuse y est plus douce et c'est une petite réussite, tout comme la courte "Chanson d'Amour Pas Finie", pas moins 'chaude' car les 'sexes se touchent' littéralement, mais différente du reste car jouée en bossa-nova acoustique. Un beau velouté sucré qui annonce d'autres belles choses pour la suite ! Entretemps, l'album-phénomène est disque de diamant en France et se vend comme des petits pains, de la Suisse au Canada.

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   MARCO STIVELL

 
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- Patricia Kaas (chant)
- Bernard Estardy (direction musicale)
- José Souc (guitares)


1. Mon Mec à Moi
2. Venus Des Abribus
3. D'allemagne
4. Des Mensonges En Musique
5. Un Dernier Blues
6. Quand Jimmy Dit
7. Souvenirs De L'est
8. Elle Voulait Jouer Cabaret
9. Mademoiselle Chante Le Blues
10. Chanson D'amour Pas Finie



             



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