On se souvient tous du sketch Biouman des Inconnus lors de leur première émission télé (ils en ont fait deux voire trois par an entre début 1990 et début 1993). Resté parmi leur classiques, celui-ci singe les séries japonaises avec super-héros joués par des acteurs réels et effets spéciaux « en carton pâte » (Bioman, Power Rangers), et en même temps se paie les têtes du duo DOROTHÉE/Bernard MINET, fortement reliés dans leur carrière musicale puisque ce dernier est son batteur à elle au sein des MUSCLÉS (Club Dorothée et tournées live), même s'ils connaissent de grands succès en tant que chanteurs séparément.

Dans le Biouman des Inconnus, Pascal Légitimus exhibe comme une arme destructrice l'album Tremblement de Terre de DOROTHÉE, son dernier en date sorti quelques mois plus tôt, avec la fameuse pochette où elle tient fièrement un saxophone. Non seulement on n'en entend pas une seule note sur ce disque, mais en plus il s'agit d'un saxophone alto, plutôt entendu dans le jazz et la soul, alors que René Morizur des MUSCLÉS joue du saxophone ténor, le plus utilisé dans le rock. Cela dit, un alto est moins lourd à porter d'une seule main, et vu que la chanteuse est blonde, il y a un petit air de Candy DULFER.

"Tremblement de terre" donc, chanson que l'on entend aussi très brièvement dans le sketch et non à son avantage, aligne les données géologiques et climatiques pour toute métaphore de l'amour coup de foudre, procédé déjà plus ou moins utilisé dans "Attention danger" un an plus tôt en 1988. La synth-pop par Gérard Salesses a parfois un goût de synth-rock, c'est le cas de ce morceau très efficace dont le refrain s'ancre directement en tête et quoiqu'en disent les Inconnus, vraiment excellent. Une carte de visite pour DOROTHÉE, parfaitement accordée à son chant. Un tube en bonne et due forme, destiné aux enfants mais pas exclusivement !

Deuxième morceau le mieux connu du disque, "Nicolas et Marjolaine" puise dans le romantisme façon Russie/Europe de l'Est avec des claviers d'inspiration classique cette fois. Malgré les violons programmés et autres sons très cheap, l'accélération finale à contretemps rappelant les danses russes hachée de fait, tout y est bien fait. Le même univers est repris dans "Des ailes à mes souliers", pour presque autant de réussite, avec la guitare Rickenbaker aux synthés que Salesses affectionne également.

"Pourquoi" est d'ailleurs un des nombreux blues sucrés qu'affectionne DOROTHÉE, tout en ajoutant des effets vocaux tristounes quand il s'agit d'éloignement avec son amoureux. Et pour le coup, une nouvelle fois, elle tire son épingle du jeu, tout comme "Dou dou dou" qui gagne une progression aussi séduisante que ses ambiances. Sur un tempo plus rock, "La maison du bonheur" propose une légèreté accueillante et des choeurs appropriés. "La valise 89" cherche plus vers le gospel, le twist et se rend convaincante.

Nonobstant son texte bondieusier, "Un p'tit bout de bonheur" s'inscrit dans l'idée que ce disque n'est pas seulement celui d'un tube ou deux : si DOROTHÉE, Porry et Salesses ne changent pas leurs habitudes, ou peu, on a une nette impression de meilleur, surtout comparé aux trois dernières années.

Le rock'n'roll n'est pas en reste avec un "Dorothée rock" certes autocentré mais plaisant et vitaminé - tout ce que l'on peut demander à cette musique -, bien taillé pour les concerts qui plus est. La fin de l'album est plus country, avec "Si je l'aimais", petite perle d'écriture dédiée aux sentiments non dits quand il l'aurait fallu, et puis "Une lettre par avion", ballade jolie et rêveuse. Un des disques de DOROTHÉE à écouter en priorité !