Une bien jolie clairière galloise de sous les fagots enfumés. Quelques vilains gnomes sourdent de l’humus tels des champignons magiques et se précipitent vers nous en piaillant leur nouvel hymne national : "The Dilly Song". Mais que se passe-t-il ?

On est comme poussé en avant par la dansante et chevronnée "Hourglass For Diana", sorte de manifeste extatique à faire tournoyer dangereusement la tête au dessus du feu.
C’est "Earth Covers Earth" de CURRENT 93 – Nous sommes rassurés. Au moins autant que Douglas, l’ami mort en juin, sur l’intense "Rome For Douglas P. ".
« And when Rome falls / Falls the world »

Puis soudain débarque, comme un petit homme jaune de notre oeuf intérieur, "Hourglass For Abelisk", et nous pleurons. Enfin pas tout à fait ; mais nous sommes émus par l’heureuse solennité de cette prière païenne qui semble venue de nulle part sinon du ventre. (Revoir Shining, absolument).

« Nine it is the pale moonshine / The shining moon is nine-oh »

J’ai toujours admiré chez David Tibet ce feu sacré du troubadour, cette poésie féroce et touchante à la fois. Certes, selon l’humeur, sa voix peut agacer par endroits (notamment sur certains albums plus tardifs) ; un certain aspect trop plaintif peut-être. Pourtant cette voix, sans oublier bien entendu les réguliers invités de marque, ici (entre autres) la sirène Rose McDowall, Douglas Pearce de DEATH IN JUNE ainsi que le toujours présent et psychédélique Stapleton, cet instrument que Dieu nous a naturellement confié dis-je, reste au cœur de C93, impossible d’y échapper – et pourquoi y échapper, au fait ? Car cette voix, que certains (dont je ne fais pas partie) comparent avec celle d’Edward Ka-Spel des LEGANDARY PINK DOTS, possède ce mordant, ce grain de renard traqué, blessé, malade de la rage mais jamais las, battu, vaincu. Et ici, sur ce rayonnant Earth Covers Earth, ses cordes vocales restent concentrées sur un certain point médium, alto dirons nous, qui est à peu près l’équivalent biologique d’un orgasme tranquillement retenu.

L’album originel de 1988, ici chroniqué, est objectivement, malgré son indéniable intensité, un peu court (24min et des miettes). La version cd offre quant à elle de bonnes et moins bonnes psychédéliques versions alternatives mais surtout un de ces final, "The Dreammoves The Sleeping King", qui vous décalotte le cerveau ; digne des heures les plus sombrement lumineuses de NURsE WITH WOUNd.

Une belle expérience de pur folk à partager au coin du feu, en famille, avec ses amis, avec soi-même et ses amis imaginaires.