Inquiet de ce qu'il allait bien pouvoir faire de son année 2024, après les pléthoriques et gargantuesques sorties des années précédentes, Neal MORSE fait un choix courageux et légèrement risqué : celui de suivre les conseils de son épouse et d'embarquer de jeunes musiciens de sa paroisse dans une aventure abordée sous le nom de NEAL MORSE & THE RESONANCE.

Exit donc les habituels complices, dont le flamboyant batteur Mike Portnoy rentré au bercail chez DREAM THEATER, et place à de la jeunesse et de la fraîcheur pour accompagner l'insatiable et boulimique chanteur, pianiste, guitariste auteur et compositeur pour un album intitulé No Hill For A Climber, qu'on pourrait traduire avec l'expression française "A coeur vaillant rien d'impossible", thème qui fait évidemment écho à l'engagement religieux de l'Américain qui imprègne si fortement ses disques depuis le début de sa carrière solo.

De ce renouvellement de line up, on aurait pu attendre un fort impact sur la musique proposée dans l'opus : il n'en est rien ! Neal maîtrise à merveille la recette du Rock Progressif le plus orthodoxe, gorgé d'inspiration puisée chez les grands des 70's, et affiche toujours le même enthousiasme pour un genre dont il est indiscutablement un des maîtres. Il démontre au passage tout ce que lui doit le son de TRANSATLANTIC, super groupe dont il était finalement l'élément moteur, et SPOCK'S BEARD dont on retrouve souvent les accents et l'inspiration au long du disque.

La construction de l'opus rappelle d'ailleurs celle de "V", le meilleur disque du premier groupe de Neal : une sorte de sandwich avec deux énormes tranches de pain, le premier et le dernier titre d'une durée respective de 20'56 et 28'50, qui encadrent 3 titres de durée plus conventionnelles pour nous offrir plus de 67' d'une musique certes attendue mais pleine d'allant et souvent de fraîcheur.

"Eternity In Your Eyes", est une suite en 7 parties assez lisibles, qui alterne plusieurs type de figures de style, des plus convenues aux plus inspirées. Si l'intro très cinématographique est comme souvent chez Neal emphatique et grandiloquente, on bascule vite dans une ambiance assez Hard Rock 70's avec force orgue Hammond, grosses guitares et riffs bien hard, avant une annonce des principaux thèmes du titre. La voix de Neal Morse vient ensuite nous proposer le principal thème du titre, une mélodie accrocheuse mais sans surprise, alors que les développements instrumentaux qui suivent dans une ambiance plus calme sont superbes. Le mouvement suivant est magnifique, dans une lente ambiance aquatique à la LED ZEP ornée de superbes mélodies vocales et passages instrumentaux calmes et profonds. La suite évoque fortement "Rhayader" de CAMEL, avec un superbe solo de guitare bluesy gorgé de feeling qui s'étire et explose dans un final grandiose. Les voix de Chris Riley et Johnny Bisaha, avant celle de Neal, reviennent ensuite dans une ambiance très recueillie et quasi-religieuse (il y a même des cloches) puis de plus en plus intense, et le titre s'achève lentement par de grands élans vocaux avec force choeurs et prouesses instrumentales.

Le dernier titre "No Hill For A Climber" est également découpé en plusieurs sections, six au total, et comporte également son lot de grands moments, et de passages un peu plus fades. Après un premier mouvement bien torché et très dynamique, arrive le meilleur du titre avec la partie 2 qui nous offre un superbe échange vocal entre Neal et ses complices, avant un refrain sympa mais un peu sirupeux. Le meilleur moment est la section 3, une nouvelle fois dans une ambiance très Zepplinienne, sur laquelle les instruments orientaux se marient à merveille avec les voix. Les mouvements 4,5 et 6 sont moins réussis, Neal retombe un peu dans ses travers avec une fin à rallonge plutôt interminable au cours de laquelle les principaux thèmes du titre sont rabâchés. Petite surprise toutefois avec une pièce de musique de chambre en toute fin de disque, qui reprend le thème principal avec des instruments classiques.

Il nous reste à commenter les trois titres du milieu. "Thief" est une belle composition, qui démarre de façon un peu surprenante dans une ambiance jazzy sur un tempo medium. Le texte est acide, et la musique se développe avec de jolis choeurs à la QUEEN, puis un solo de guitare ravageur et des accompagnements de cuivre bien fichus. "All The Rage" est un titre très SPOCK'S BEARD, à la frontière du Hard Rock, doté d'un refrain un peu FM mais sympa et de quelques belles surprises instrumentales. "Ever Interceding" enfin est mon coup de coeur de l'album : une superbe ballade acoustique délicate et profonde, où les voix se rejoignent dans une refrain splendide, le tout avec une simplicité et un dépouillement qui rendent bien justice au talent de mélodiste de son auteur.

Ce disque est finalement, et à plusieurs titres, une nouvelle belle réussite pour Neal MORSE. Le groupe qu'il a constitué est bluffant, à la hauteur de ses pourtant bien plus prestigieux complices antérieurs. Neal démontre par là même le rôle majeur et moteur qu'il a pu jouer chez ses précédentes formations. Je suis également impressionné par la fraîcheur et l'inspiration de l'Américain qui maîtrise certes parfaitement sa recette, mais parvient malgré tout à parsemer ses disques de véritables moments de grâce, tout en affichant une passion, une foi et une générosité inébranlables. Tout cela vaut bien un excellent 4 et vivement la suite !