Comme promis, quelques mois après la première partie de son Opera Rock biblique sur la vie de Joseph, fils préféré du patriarche Jacob, Neal MORSE nous revient avec ce second opus qui nous conte la fin des aventures de notre héros. Nous avions laissé Joseph au plus bas, victime d’une trahison générée par la jalousie de ses (nombreux) frères, et laissé pour mort au fond d’un puits avant d’être sauvé puis vendu comme esclave à des marchands ismaélites qui l’emmènent en Egypte. Une mauvaise série d’évènements va même le conduire en prison.
C’est à ce stade que débute ce second disque qui nous narre les extraordinaires événements participant à l’ascension de Joseph qui va, grâce à son don pour l‘interprétation des rêves, sa sagesse et son intelligence, devenir vice-roi d’Egypte et même retrouver sa famille et, avec l’aide de son dieu, lui pardonner. Le fameux manteau de Joseph se pare cette fois sur la pochette de couleurs plus vives et chatoyantes, reflétant l’évolution matérielle et spirituelle du personnage.

Tout cela est prétexte à de multiples figures musicales, Neal Morse composant une partition d’orfèvre pour mettre en scène ces nombreuses péripéties et orchestrer les différentes scènes et tableaux aux multiples personnages qui composent cette fresque. Sur la base d’un rock progressif qu’il maîtrise à la perfection, le multi-instrumentiste, compositeur et chanteur américain, nous entraîne dans cette suite avec un enthousiasme et une conviction impressionnants, enchaînant les morceaux de bravoure dans un registre un peu musclé par rapport au premier opus. Les guitares sont cette fois très en avant, avec de fortes teintes Hard-Rock et Blues évocatrices des plus belles heures de SPOCK’S BEARD (je pense à un disque comme Snow), sans se priver pour autant d’éléments moins attendus comme le saxophone, le violon et les cuivres. Les titres sont globalement assez courts, et force est de reconnaître que l’ensemble est extrêmement digeste et que les 75’ de musique filent comme le vent, en partie grâce aux nombreux invités qui viennent interpréter les différents personnages du récit.

Ainsi, "Cosmic Mess" constitue-t-il un fort réussi titre introductif avec ses lignes de piano virevoltantes et son refrain fédérateur. Sur "My dream" et "Dreamer In The Jailhouse", Neal MORSE reconstitue le brillant trio du projet D’VIRGILIO, MORSE, JENNINGS (qui a déjà sorti deux albums) pour des titres fort bien menés et gorgés de superbes harmonies vocales, mention spéciale au second porté par la formidable voix du chanteur de HAKEN qui installe une tension dramatique superbe, et envoie un refrain fort addictif. "All Hail" est un dialogue entre Joseph et le Pharaon, et installe une ambiance gorgée de tension avant un refrain très hard FM, et une superbe mélodie guitare - claviers en fin de titre. "The Argument" évoque beaucoup GENTLE GIANT voire QUEEN avec des polyphonies vocales caractéristiques, et "Make It Like A Breeze" nous prend à la gorge avec une cavalcade de guitares métal et de claviers à la DEEP PURPLE puis un refrain imparable ; c’est assurément un des grands moments de l’album.

"Overture Reprise", retour sur le premier opus, nous accompagne vers la dernière partie de l’histoire, celle des retrouvailles avec les frères puis du pardon. "I Hate My Brothers", premier single de l’album, est un titre musclé, immédiatement catchy et bien troussé avant une fin plus onirique. "Guilty As Charged" et "Reckoning" sont deux superbes titres, le premier me fait beaucoup penser à l’univers délicat et riche du meilleur ALAN PARSONS PROJECT en installant une ambiance dramatique, alors que le second penche fortement vers le Hard Rock avec son gros riff, ses fortes parties vocales et son superbe refrain. Nous retrouvons les polyphonies vocales sur "Bring Ben" avant une chanson assez pop, alors que "Freedom Road" est une belle ballade, nettement plus mélodramatique et épique, traduisant les états d’âme et la foi de notre héros. "The Brother Repent" constitue tout au long de ses 7’40 le point culminant de l’intrigue. C’est le moment des retrouvailles illustrées par des sonorités d’abord assez heavy, puis par des rythmes latins du meilleur effet avant une fin plus chargée émotionnellement alors que le tempo se ralentit, l’orchestration se développe et les voix se rejoignent magistralement. Sur "Restoration" où Joseph révèle finalement son identité à ses frères, l’emphase est à son comble avec une forte dimension épique, avant qu’un riff de guitare nous entraîne dans des sonorités Jazz Latinos dignes de SANTANA, intercalées avec la reprise des principaux thèmes musicaux de l’opéra, grâce notamment à l’intervention remarquée de la chanteuse Talon David. Sur "Everlasting" l’ambiance est à la célébration et à la joie des retrouvailles, la musique passe brillamment des motifs salsa à des passages plus Jazz et à d’entraînants duels de guitare. Il nous reste "Dawning Of A New Day", jolie ballade typique de Neal Morse qui vient conclure cette histoire et en tirer la morale dans une ambiance apaisée et sereine, avec notamment de belles lignes de lead à la basse et un chant archi engagé et lyrique de son auteur.

Ouf, nous voilà au terme de cette aventure et de ces deux disques pleins à craquer d’une musique variée et finalement brillante. J’avais fait part en amont de mes réticences et de mes appréhensions sur un projet aussi copieux et légèrement improbable, mais il faut croire que l’enthousiasme, la puissance de conviction et l’immense talent de Neal MORSE parviennent à tout surmonter. Force est de reconnaître son savoir faire et sa maîtrise de l’art si complexe de mettre en musique une telle histoire, archi codée et aussi chargée en symboles et en spiritualité.
Il nous reste à nous incliner devant l’artiste et le stakhanoviste qui, espérons-le, ne reviendra pas dans un an avec un quadruple album sur la vie de Moïse (lol) en sus des multiples projets parallèles qu’il continuera bien entendu à honorer et à irriguer de sa magnifique aura.