Comme toutes les jeunes popstars qui grandissent sous la lumière des projecteurs, Sabrina CARPENTER tourne avec Singular: Act I une page essentielle de sa carrière musicale. C’est une transition assumée : elle sort peu à peu de l’univers Disney en poursuivant l’effort amorcé sur Evolution, s’intéresse de plus en plus à l’écriture de ses chansons et revient avec un mini-album court et tranchant, qui dit clairement bye bye à la teen-pop toute sage pour aborder des thèmes plus adultes. La voilà qui trace sa voie.

Le single "Almost Love" plante le décor et représente plutôt bien l’évolution de Sabrina. Un beat électro-pop saturé de percussions entraînantes, une basse calibrée pour faire bouger les corps en boîte de nuit et une voix plus profonde et plus posée, qui se fait sensuelle et affirmée, avec un style très proche de la suédoise Tove LO. Sur "Mona Lisa", on entend CARPENTER qui trouve peu à peu ce style vocal narquois qu’elle n’a pas vraiment quitté depuis, une manière de chanter mi-sérieuse mi-moqueuse avec des inflexions presque rieuses.

Avec "Paris" et "Hold Tight", Sabrina assume complètement cette esthétique désinvolte, hyper stylisée et sexuelle, qu’elle va continuer à bâtir sur le reste de sa carrière comme une vraie signature. Elle oscille entre nonchalance et ironie sur "Paris", un morceau suave faussement mélancolique au beat dance dont le refrain est une explosion pop. La chanteuse y égrène quelques mots de français sur un riff de guitare électrique repris en boucle. Plus frontal et explicite, "Hold Tight" nous rappelle que nous sommes dans l’ère où la pop épouse les codes de l’EDM, ici avec des drops et des martèlements, un écrin parfait pour que CARPENTER y joue l’impertinente et adopte une posture langoureuse avec un chant parfois susurré, parfois insistant. Le pire, c’est qu’avec son assurance, elle a vraiment trouvé dans cette pop rentre-dedans un terrain abondant qu’elle ne cessera de creuser, en route vers le succès mainstream.

Après cette montée en puissance, l’ambiance redescend légèrement avec des chansons où l’énergie effrontée laisse place à des titres moins marquants. "Sue Me", pourtant mis en avant comme single, ne me plaît pas du tout. Dessus, Sabrina transforme le conflit légal avec son ancien manager en hymne de girlboss mais musicalement la production clinquante semble forcée et sincèrement ça ne prend pas du tout. Même son de cloche pour "prfct", une ballade atmosphérique trop propre et trop lisse, un filler qui remplit sa mission sans grande conviction.

"Bad Time" tombe aussi dans une pop fonctionnelle qu’on a déjà entendue un milliard de fois, avec une rythmique électro déjà datée et beaucoup de vocodeur ce qui noie la voix de la chanteuse inutilement. Heureusement, l’album se termine sur "Diamonds Are Forever", un morceau lent construit autour d’un piano et d’une section de cordes puissante, qui revient à ce que Sabrina sait faire de mieux, cette pop millimétrée dans laquelle elle peut s’amuser avec son image et montrer son intention d’atteindre un jour le niveau d’autres divas pop comme Christina AGUILERA.

À 19 ans, Sabrina CARPENTER évolue lentement mais sûrement vers sa nouvelle identité artistique et elle peut désormais balancer Singular: Act I telle une carte de visite : effrontée, énergique, popstar quoi ! Les productions sont trop ciselées, trop prévisibles bien sûr, mais que voulez-vous, on ne refera pas la pop mainstream et son public est toujours aussi friand d’hymnes assurés. Si ce premier acte n’est pas non plus une grande leçon de pop, il esquisse déjà une suite qui confirmera que CARPENTER n’a pas dit son dernier mot.

Note réelle : 2,5