On croyait le destin des MUMFORD & SONS scellé. Après une pause discographique de près de sept ans, successive à l'incompréhension générée par la publication du très pop Delta en 2018, après le départ de Winston Marshall en 2021, après les velléités solitaires de Marcus Mumford (auteur d'un premier album solo en 2022), il ne semblait pas déplacé de penser que le groupe britannique allait mettre la clé sous la porte. Et pourtant, c'est sous forme de trio que le groupe revient, avec Rushmere, nom du quartier de Londres où les musiciens ont joué ensemble pour la première fois. Un nouvel album produit par l'omniprésent Dave Cobb (EUROPE, GRETA VAN FLEET, Brandi CARLILE…), promesse d'un retour aux racines de la formation, ce folk viscéral et intense, riche et singulier, qui lui avait permis de décrocher de flamboyants succès avec ses premiers albums. A l'écoute, ce cinquième album marque en effet une volonté de renouer avec le folk des débuts, mais il fait aussi plus sage et mesuré que les réalisations passées du groupe.

"Malibu" donne le ton. Guitares sèches en avant, harmonies vocales rassurantes et mélancolie de façade composent un paysage sonore familier. Ce n’est pas désagréable, mais cela manque cruellement de surprise. Le tempo s'accélère avec le single "Caroline", porteur d'une énergie bienvenue, mais dont l'écriture plutôt convenue se confond entre émotion sincère et cliché folk. Il faut attendre le morceau-titre, "Rushmere", pour retrouver ce qui constitue le sel de la musique du groupe : ce mélange entre la voix de Marcus Mumford et ce banjo savoureux, tout d'abord discret puis galopant, qui ponctue comme un trait d'union des instrumentations dont la montée en intensité nous remue et nous embarque. Voici enfin un morceau parvenant à émuler la flamboyance de Sigh No More, formidable album fondateur.

"Truth" se distingue également nettement. Un des rares titres sur lequel le groupe se permet un peu de nerf, donnant une profondeur imposante à la contrebasse, proposant des guitares plus mordantes, l'ensemble retrouve l'élan qui faisait la force du groupe sur Wilder Mind. Malheureusement, les choses se tassent rapidement avec "Monochrome", "Anchor" ou encore "Where It Belongs", qui enchaînent les ambiances éthérées sans réelle profondeur. L'ensemble, bien que sincère et introspectif, sonne également de manière plus uniforme. L'atmosphère feutrée et élégante des morceaux souffre ici d'un manque de tension et de l'absence d'aspérités. Si "Surrender" tente un crescendo émotionnel, doté d'un pont instrumental très réussi, il est une exception dans un ensemble bien plus prévisible, à l'image de "Blood on the Page". Si la collaboration avec la chanteuse Madison Cunningham aurait pu marquer un tournant plus audacieux, le duo reste timide, en surface, comme si chacun craignait d'écraser l'autre. Le résultat, agréable, se révèle néanmoins plutôt fade.

"Carry On" clôt l'album sur une note plus positive. Pièce folk douce et rassurante, le morceau mêle thèmes religieux et une ambiance gospel feutrée, presque minimaliste dans l'approche, et referme l'album sur une saveur douce-amère, à l'image de ce nouvel album. En effet, si MUMFORD & SONS retrouve ici, et pour notre plus grand plaisir, les textures acoustiques de ses débuts, le groupe semble prisonnier de sa volonté de se faire plus sage, plus sobre, sacrifiant la tension et l'urgence qui donnaient corps et âme à leurs premiers albums. Tout semble ici à sa place, finement arrangé, mais il manque les excès, les éclats, les imperfections qui faisaient de Sigh No More et Babel des albums dotés d'une forte personnalité. Rushmere vient rassurer les fans de la première heure, mais du feu intérieur qui habitait le groupe restent surtout des cendres chaudes qui, espérons-le, donneront prochainement naissance à un nouveau brasier.