Chère mère,

Vous recevrez cette missive, je l’espère, avant que le frimas écossais ne rende impossible la sortie quotidienne du facteur. Je vous écris d’Edimbourg, où je mets ici le point final à ce qui sera sans doute une des réalisations majeures de notre siècle. Vous pensez sans doute que le froid du studio d’enregistrement et les litres de bières nécessaires à la réalisation de cette tâche ont engourdi mon maigre cervelet, mais il n’en est rien. Cette œuvre sera majeure et un classique musical de notre nation écossaise, ou ne sera pas.

Mère, ne vous méprenez pas. Nul esprit malin n’est venu me frapper dans mon sommeil, mais j’ai le maigre espoir que mon troisième album ne soit pas qu’une simple collection de musiques mais soit également considéré comme le reflet de mon attachement pour ma terre écossaise que, vous le savez, j’affectionne plus que tout.

Tout comme ses collines sont arides, mes compositions seront nues comme les roches des highlands, dénuées de tout artifice dispensable. Ma voix, dont je sais que vous appréciez le timbre medium, et ma guitare acoustique, fidèle alliée depuis toujours, en seront les seuls moteurs. Quelques violons également, dont les mélodies aériennes seront à comprendre comme un hommage à notre mère-nation et à cette inénarrable ville de Perth qui m’a vu naître. Mes compositions seront donc l’aridité de nos terres, mais aussi la mélancolie de notre océan, l’espoir de nos générations, la rancœur de nos ancêtres, la beauté de nos îles, un condensé musical de notre pays.

C’est après mûre réflexion que j’ai décidé de laisser une grande place aux mélodies traditionnelles, que j’ai retravaillées pour qu’elles s’intègrent dans l’ensemble de ma réalisation. Je dirais que la tristesse est la caractéristique qui les relie toutes, sauf peut-être Tullochgorum dont la mélodie presque dansante jure un peu avec le reste de l’album. Je me suis également beaucoup amusé à forcer et mettre en avant mon accent écossais, dont la neutralité sur les autres morceaux s’est imposée étrangement d’elle-même.

Je sais, mère, que vous doutez parfois de mes ambitions. Celle-ci est toute simple : le porte-parole musical de l’Ecosse, voici ce que je veux devenir. Mais j’ai peur que mes mélodies emplies de cette force procurée par les éléments qui nous entourent ne laissent de marbre les autres nations. Peu importe, même si je reste à jamais le seul à le savoir, j’aurais accompli mon chef-d’œuvre.

P.S. : je vous prierai d’écouter, lorsque je vous aurai fait parvenir une copie de l’album, en premier Caledonia. Cette déclaration d’amour et personnification de notre Ecosse me semble vraiment réussie.

Mille baisers,
Dougie.