1977. Le punk au sommet ? En tout cas la déflagration punk c'est sûr. Les SEX PISTOLS sortent leur album Never Mind the Bollocks. Oui, les SEX PISTOLS (et The CLASH) sont assimilés bien évidemment à l'année 1977. Mais en réalité, un autre grand groupe britannique de punk-rock a sorti son premier album avant les pistolets du sexe et les autres : The DAMNED. Damned Damned Damned est sorti en février 1977 soit plus de six mois avant Never Mind... alors que l'enregistrement de ces deux albums (1) a commencé à peu près à la même période (automne/hiver 76). Même leur single "New Rose" extrait de cet album est le premier chez les punks britanniques...

Tout comme les RAMONES, les SEX PISTOLS et tant d'autres, les Damnés suivent la voie tracée par des groupes comme The STOOGES, des musiciens sans formation musicale "académique" et qui ont privilégié un rock dur et énergique que l'on connaît. Moins marqués politiquement que d'autres, les Damnés assument leur aspect "déconne" même s'ils ne se privent pas de critiquer la société. Si les SEX PISTOLS ont eu un impact plus important malgré la brièveté de leur passage, les Damnés emmenés par Dave Vanian (chant), Captain Sensible (basse), Rat Scabies (batterie) et Brian James (guitare, et qui a composé la quasi-totalité de ce premier album) ont survécu bien plus longtemps mais n'ont eu de cesse de spliter, de se reformer avec des line-up régulièrement mouvants. S'ils concèdent que le but de leur musique était simple ("We just want to entertain people... and we want to have some fun"(2)), Rat Scabies ne cachera pas pour sa part que le combo "Want to make a lot of money" (3), aspiration après tout légitime pour des jeunes plutôt d'origine modeste qui ont commencé à jouer ensemble en juillet 1976 au Oxford Street's 100 Club, aux côtés des SEX PISTOLS. Ils choisissent à cette époque le nom du groupe : ce sera The Damned en référence au film de Visconti ainsi que le livre de John Wyndham "The Midwich Cuckoos", connu au cinéma sous le nom "Village of the Damned". Ils seront plus particulièrement repérés lors du premier festival punk européen de Mont-de-Marsan en août 76 et peu de temps après c'est Nick Lowe qui leur permet d'enregistrer leur premier single "New Rose".

Et ce morceau fait l'effet d'une petite bombe à l'époque. Doté d'une énergie incroyable, d'un refrain bien mémorisable, d'un chant rageur, rehaussé d'une guitare agressive au son bien crade qui vous scotche littéralement, d'une batterie qui martèle de manière quasi-tribale puis qui enchaîne à la manière d'un quasi-métronome (dans son jeu énergique le rapport est parfois fait avec le batteur Keith Moon des WHO), avec quelques soli embryonnaires qui déchirent, ce titre complètement raw ne pouvait qu'être un hit pour des jeunes qui prenaient leur pied sur des titres méchamment défoulants.

En fait, le premier album ne s'ouvre pas sur ce titre mais sur "Neat Neat Neat", le second single, qui débute sur un riff de basse rapide et bien mis en avant, on retrouve là les mêmes caractéristiques que sur "New Rose" si ce n'est qu'ici le morceau est rehaussé en son milieu d'un vrai solo bien agressif et sacrément mordant. Nous ne sommes pas loin d'une énergie heavy metal.

Si la majorité des titres sont de cet acabit, "Fan Club", doté d'un riff bien efficace, voit la hargne du groupe se calmer quelque peu, et développe un côté plus mélodieux dans son refrain. Ce morceau est encore un excellent titre dans la discographie du groupe. Mais c'est plus particulièrement sur "Feel the Pain" que le côté calme et atmosphérique de l'album sera le plus accentué, encore un titre de haute volée dans lequel Vanian nous annonce des prémices plus gothiques (qui suivront dans les albums ultérieurs) dans sa manière, ici assez torturée et théâtrale, de chanter ses couplets alors que le refrain catchy est chanté mélodieusement. Peut-être le meilleur titre de cet album tout simplement avec "New Rose". Et comme souvent dans tout bon groupe punk on retrouve un titre "Stab Your Back" expédié à la vitesse de l'éclair (en moins d'une minute)...

D'une manière générale, sur ce premier album, deux mots me viennent régulièrement à l'esprit : "raw" et "power", et ça me renvoie immédiatement à l'album des STOOGES. D'ailleurs le dernier titre "I Feel Alright" n'est rien d'autre qu'une bonne reprise des STOOGES "1970" : un foutu rock bien sale et qui bouge bien. Des titres comme "New Rose", "Neat Neat Neat", "Fish", "See Her Tonite" ou "I Fall" sont raws à souhait et bien puissants (ouah ! cette guitare et ce court solo en fin de morceau), et cet album dégage plus encore que celui des SEX PISTOLS (moins bien servi par sa production de surcroît) une énergie viscéralement brute et crue. Si ce déferlement d'agressivité n'a pas pour vocation de servir des idées politiques, les quatres se sont fait plaisir à l'époque en nous balançant à la tronche leur rock sans concession. Damned Damned Damned est un incontournable du rock qui file une pêche d'enfer ! D'ailleurs je me demande pourquoi je l'écris puisque tout le monde est censé le savoir...

(1) en réalité plus une succession de singles pour les SEX PISTOLS avant l'album de fin 77
(2) "Nous voulons juste divertir les gens ... et juste prendre du plaisir"
(3) " On veut faire beaucoup d'argent" : on remarquera ce parallèle avec les RAMONES notamment, et le fait que cette revendication clairement assumée à l'époque est rejetée par la plupart des punks modernes