L'atmosphère d'un live en constitue un élément essentiel. Par définition, un album live est enregistré... live (bien que certains artistes aient été soupçonnés de corriger les erreurs et/ou gonfler les applaudissements du public sur certains de leurs enregistrements), et l'audience joue un rôle majeur dans la perception qu'à l'auditeur de ce témoignage. Et si l'intérêt de ce type d'album est bien entendu une version différente des classiques du groupes (retravaillés ou parfois carrément transfigurés), que serait la musique sans le retour d'un public généralement totalement acquis à la cause des artistes sur scène ?

Enregistré à Toronto par un groupe alors en pleine ascension, Road Rage est le premier album live de GREAT BIG SEA. Bourré à la gueule de 19 titres, cet opus nous offre une prestation complète des Canadiens. Mêlant titres originaux et reprises de traditionnels celtiques, le concert débute sur un violon dansant servant d'introduction au festif « Donkey Riding ». Le public, très en voix, explose littéralement lorsque, successivement, les trois chanteurs du groupe prennent possession de la scène avant de mêler leurs organes dans une harmonie vocale parfaitement maîtrisée. Principalement jeune et féminin (les nombreux cris de style « Patriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiick » ne laissent planer aucun doute), le public constitue véritablement le quatrième membre du groupe sur ce live. Quand il ne s'évertue pas à célébrer, à s'en faire péter les cordes vocales, les trois têtes-pensantes du combo (Sean McCann, Alan Doyle et Bob Hallett), il reprend à tue-tête les titres devenus classiques du groupe que sont les formidables « When I'm Up », « Goin' Up » ou « General Taylor », un des meilleurs moments de ce concert, interprété a capella dans une formidable harmonie par les trois artistes. Logiquement, Turn, dernier album en date du groupe, se voit favorisé dans la setlist, puisque pas moins de cinq extraits sont interprétés. Marquant légèrement le pas dans la discographie du groupe, l'album ne convainc pas plus en live, et malgré les nombreux encouragements d'un public totalement acquis à la cause du groupe, les popisant « Boston and St John's », « Feel it Turn » et « Captain Wedderburn » peinent à tenir la dragée haute aux pépites extraites des albums précédents, à l'image de l'excellent « When I'm Up » mentionné plus haut, de l'euphorisant « Ordinary Day » ou de la touchante ballade « Fast as I Can » qui touche visiblement la corde sensible de la partie féminine du public (très représentée).

Mais outre ces compositions originales, GREAT BIG SEA s'est également rendu maître dans les reprises de traditionnels d'Ecosse, d'Irlande, de Bretagne et de Terre-Neuve. Ces traditionnels constituent plus de la moitié de l'album et transforment le concert en un moment de plaisir intense. « Lukey » et son accordéon de bal de marin, « I'm a Rover », gigue endiablée invitant à entrer dans la danse, le débridé « Mari-Mac » repris comme un seul homme par le public en feu, et enfin « Hangin' Johnny », nouveau titre chanté a capella par des GREAT BIG SEA très en voix sont autant de pépites responsables d'un plaisir d'écoute que l'on ressent bien trop rarement sur live. Non dénué de petites erreurs et approximations qui en font également sa richesse, Road Rage transforme un très bon groupe studio en une bête de scène dotée d'un profond respect de son public, qui le lui rend bien.

Petite respiration bienvenue entre deux albums studio d'une qualité « moyenne », Road Rage est la porte d'entrée idéale dans l'univers folk-rock-pop celtique des GREAT BIG SEA. A se procurer d'urgence pour découvrir le talent de ces trois Canadiens résolument à part...