Depuis le succès de Londinium, 3 ans auparavant, on n’avait plus de signe de vie de ARCHIVE. Il faut dire que la route n’est pas un long fleuve tranquille pour le combo Keeler/Griffith et son entourage. En effet, le rappeur Rosko John, se fâche avec les têtes pensantes d’ARCHIVE peu de temps après la sortie de Londinium. Quant à la chanteuse Roya Arab, elle est retournée à son métier d’archéologue après une relation amoureuse difficile avec Darius Keeler. ARCHIVE a perdu ses deux voix, et son énergie… Mais l’arrivée de Suzanne Wooder, chanteuse à la voix proche de celle de Roya Arab, va redonner vie au collectif .

C’est donc 3 ans après Londinium que sort Take my Head, et l’attente des fans de trip-hop est grande. Mais quelle douche froide se sont-ils pris ! En effet, encore aujourd’hui, Take my Head est considéré comme le Vilain Petit Canard de la discographie d’ARCHIVE. L’album maudit, voué à l’hégémonie de la foule et de la critique, renié par ses propre créateurs ! En effet, Darius Keeler a avoué récemment regretter d’avoir réalisé ce disque. « Les paroles sont à chier ! » a-t-il dit entre autre.

Alors, qu’en est-il vraiment ? Take my Head est un disque simple, de musique simple, aux compositions sobres et courtes. Nous sommes loin des ambiances nocturnes et urbaines de Londinium, ici la musique est plus directe et agressive. « You Make Me Feel » ouvre les hostilités brutalement, tempo lent et rock électro en pagaille. La douleur est palpable et colle bien au thème du titre. La chanson éponyme « Take my Head », elle, est une sorte de « You Make Me Feel » en plus barré, avec des phrases répétées à tue tête, dans une atmosphère psychédélique et névrosée. « Well Known Sinner » est un savant mélange entre une première partie au rythme électro et un final de rock virulent.

Mis à part ces 3 titres, le reste de l’album est plus convenu. Ce sont des chansons simples mais efficaces, à l’image de « The Way You Love Me ». « Brother » tire son épingle du jeu avec son piano puissant et juste. Quand à « Cloud in the Sky », c’est le titre qui se rapproche le plus de l’esprit trip hop originel, une vraie merveille d’une grave intensité.
« The Pain Gets Worse » est sympathique mais trop mielleuse et devient vite agaçante. « Love in Summer » est entièrement instrumentale, ainsi que le plus long titre de l’album (moins de 5 minutes…), mais ne représente qu’un intérêt limité. Mieux vaut s’attarder sur « Rest my Head on You » d’une infinie délicatesse, véritable petit bijou d’émotion et de tendresse. Puis le petit morceau caché « Home » vient clore l’album en douceur, sur une note plus positive.

Take my Head est l’album le plus court d’ARCHIVE, mais aussi le moins intéressant. Il n’empêche que cette pop avec quelques zestes de tri-hop et de rock est agréable et bien foutue. On peut regretter la complexité de Londinium, chef d’œuvre du trip hop, face à un album si peu « prise de tête », pour reprendre son titre. Il n’empêche que la voix de Suzanne Wooder est très belle et pêchue, comme sur « Woman ». Le son est bon, la batterie claque magistralement, et les nappes de synthés typiques du groupe sont bien présentes.

Cette formation à trois ne durera que le temps de cet album, mais Suzanne Wooder restera proche du combo (elle est créditée dans les remerciements de l’album suivant). ARCHIVE est ici en période de reconstruction, se cherchant une voie à suivre. Cette petite escale par la pop n’est certes pas génialissime, mais nullement ratée. Et messieurs Keeler et Griffith ne devraient pas avoir à rougir devant cet album, qu'il me parait nécessaire de réhabiliter.