Archive est né en 1994, et compte dans son line-up original les producteurs-compositeurs- ingénieurs-du-son Darius Keller et Dany Griffith, le rappeur anglais Rosco John et la chanteuse Roya Arab. Cette rencontre improbable va donner lieu à un enregistrement haut en couleur et à un mixage qui va s’étaler sur près de 2 ans, pour donner en 1996 naissance au premier LP officiel du groupe ; « Londinium ». Considéré par beaucoup comme un album trip-hop culte, « Londonium » se révèle être, de part les multiples influences des protagonistes du groupe, bien plus que cela.

S'il y a bien un adjectif qui résume à lui tout seul « Londinium », c’est incontestablement « Délicat ». L’album est en effet, de bout en bout, une oeuvre délicate emprunte d’une forte personnalité (celles des auteurs et interprètes) et d’une incroyable maîtrise harmonique.
« Old Artist », l’intriguant instrumental qui ouvre le disque est par ailleurs assez révélateur de ce qu’est le son Archive et d’ailleurs de ce qu’il sera toujours. Violon crépusculaire, grosse basse pour rythme down-tempo classique (en boite à rythme sur tout l’album) et surtout cet incroyable synthé analogique. Un son si particulier qui poussera d’ailleurs la presse à sans cesse (et encore aujourd’hui) parler du groupe comme étant un mix entre Pink Floyd et Massive Attack.

C’est sur « All Time » que l’on entend la première « voix » d’Archive et c’est déjà une première surprise. Là ou le rythme artificiel et syncopé du morceau aurait appelé le phrasé élégant du rappeur Rosco, c’est finalement le timbre léger et décalé de Roya Arab qui se fait entendre. Il ne faut pas plus de quelques minutes pour que l’alchimie prenne d’une bien belle façon. « So few words », le premier morceau chanté par Rosco, est également une belle surprise. Loin des archétypes américains, le rap est ici présenté sous une forme toute en retenue et en finesse, et le débit rythmé de l’artiste vient parfaitement s’intégrer dans les envolées synthétiques et les samples malins de Darius et de Dany.
Habiles compositeurs, aidés par des interprètes d’excellentes factures, les deux têtes d’Archive parviennent alors à livrer une bonne série de titres, doux, parfois (gentiment) révoltés, souvent très mélancoliques et surtout porteurs d’une émotion infinie. Le bluesy « Headspace », le tourmenté « Darkroom », le magnifique « Nothing Else » dans lequel Roya Arab déplie des trésors de sensibilités (et dont les voix en écho seront repris dans les autres albums du groupe) ou encore l’instrumental « Organ Song », bande son idéale pour un film sur le désespoir de l’homme (D’ailleurs le réalisateur français Olivier Dayan de s’y est pas trompé en choisissant cet album pour en faire la bande son de son drame poignant « Déjà Mort »).

Pas vraiment trip-hop (car seuls les morceaux « Parvanneh » et « Beautiful world » renvoient vraiment aux fondamentaux du genre), pas directement pop ou rap non plus, « Londinium » est de ces albums d’un genre hybride qu’il n’est pas aisé de classifier. Et quand bien même, on peut se demander aujourd'hui quel en serait l’intérêt. Car même si en presque 10 ans de vie le groupe a suivi différentes orientations musicales, c’est bel et bien dans ce disque qu’est né le « son Archive ». Depuis, la forme a parfois un peu changé mais le fond est intact. Et c’est « Londinium » qui en est la source.