Tout de même, en y repensant, Le Sens de la Gravité était un album qui avait fière allure. Alors que peu auraient donné cher des FATALS PICARDS suite au départ de son fondateur Ivan Callot en 2007, force est de constater que le groupe avait alors su se renouveler et convaincre en faisant muer sa musique, n'hésitant pas à se faire plus sérieux et engagé tout en élargissant encore sa palette musicale. Et le résultat était là : un album légèrement moins déjanté que l'indispensable Pamplemousse Mécanique, mais suffisamment foisonnant et textuellement intéressant pour en faire une des plus belles réussites des Picards.

Coming Out reprend tous les éléments qui avaient fait la réussite du Sens de la Gravité, et ne surprendra donc personne. Le hic, c'est que si les ingrédients sont là, la sauce ne parvient jamais à prendre réellement. Tout cela sent un peu le moisi et le réchauffé. Bien sûr, il y a le tube pop-rock imparable, titre « à single » destiné à faire l'objet d'un clip. Cette fois-ci, c'est le morceau « Coming Out » qui passe sous le feu des projecteurs. Fort d'un clip au casting délirant (Dave et Armande Altaï en parents déjantés), le titre prône la tolérance avec un humour... à peine drôle. Oubliez les éclats de rire de Pamplemousse Mécanique, les FATALS PICARDS parviendront tout juste à vous soutirer quelques sourires. Bien entendu, la poésie littéraire du groupe est encore là, et la concision mordante fait toujours mouche, le groupe parvenant toujours à dresser des portraits au vitriol et délicieusement caustiques. Ainsi, on se délecte de l'histoire du dernier des hippies (« Retour à la terre », folk-reggae à la Tryo) ou de la blonde siliconée (« Poupée gonflée » et son riff imparable), tout comme on ne peut rester insensible à la désopilante « Hasta XXL », qui sur fond de rock enragé tourne en dérision l'hypocrisie vestimentaire des djeun's d'aujourd'hui. Mention "bien" également à la déjantée « Premier de la glace », riche en jeux de mots glacés et inspirés. Reste que si ces titres se révèlent sympathiques, ils ne sont rien de plus qu'une pâle copie des réussites de l'album précédent, et parviennent tout juste à soutenir la comparaison. Plus grave, le groupe témoigne même de véritables faiblesses, et propose quelques titres aux paroles indigentes (« 1983 », pastiche du groupe Zebda mettant en vedette Yannick Noah, « Moonboots ») qui nuisent grandement à la qualité globale de l'album.

Restent ainsi ces titres plus sérieux, engagés ou conscientisés, qui apportent une substance à l'ensemble et permettent à l'album de gagner en intérêt. « Noir(s) », hommage riche en cuivres à trois grands du rock français (Béruriers Noirs, Noir Désir et Mano Negra) aurait parfaitement trouvé sa place sur l'album précédent, tout comme « La France du Petit Nicolas », qui mêle avec bonheur accordéon et ambiances orientales, et présentant cette fois un texte parfaitement ciselé, consacré à ces victimes de l'intégration ratée. Et puis il y a l'ovni « Tonton », ballade riche en violons et en émotions, qui pour le coup constitue la seule véritable création inédite du groupe sur cet album.

Ceux qui apprécient la musique des FATALS PICARDS trouveront leur compte à l'écoute de cet album, c'est certain. Reste qu'en proposant un Sens de la Gravité en moins bien, le groupe déçoit et nous inquiète légèrement quant à la suite de sa carrière. Allez, parions sur un petit raté qui n'en appellera pas d'autres.

Note réelle : 2,5/5