Certains prénoms sont prédestinés. Vous prénommez votre fils Calvin en bon protestant que vous êtes, et, sans imaginer votre progéniture tronant au beau milieu des papes -ouarf !- de la réforme du mur idione dit des « réformés » de Genève, mais vous attendez tout de même une certaine attitude du rejeton… Alors si vous vous imaginiez un mec austère et intello, c’est raté. Et oui, le Calvin dont nous causons ici est un archange de la pire éspèce, et je vous passe d’ailleurs rapido les détails scabreux des vicissitudes de sa vie. Car nous n’allons pas dire du mal de Calvin aujourd’hui… Eh non… Calvin nous a quittés il y a quelques jours, à l’âge de 62 printemps, âge canonique s’il en est pour un consommateur de son acabit. Il n’y a qu’à mater sa bonne frimousse pour comprendre que la vie n’est pas une sinécure pour tout le monde. Des années de rails de toutes longueurs, arrosées de décalitres de bourbon, avec juste un peu de glace pour sa ration quotidienne de flotte.

C’est l’agressive « Are you ready » qui ouvre le bal, bien méchante, et annonçant un Calvin prêt à en découdre. La bonne tête de notre alcolo n’incite franchement pas à la castagne d’ailleurs, m’est avis que toutes ses années de cabane ne l‘ont pas rendu simple à gérer de toute manière.
La lancinante « Free in freedom » prend le relais avec toute son addictive constance. « Midnite man » est sépulchrale. Très peu de temps faibles, les titres s’enchainent pour le plus grand plaisir d’un public tout acquis à la cause du français d’adoption. « Wild wild west » est bien péchue tout comme la « Different people »… Français, car quand vous donnez comme titre à une de vos chansons « Petit gars », même si vous parlez french avec un accent totalement incompréhensible, cela présente le gars Russell sous un jour différent et vraiment sympa.

Alors l’album vient de sortir, le décès de notre brave Calvin risque de fauser les ventes de son testament musical. Ce live est sympa, mais il manque pour moi certains des titres les plus emblématiques de l’américain - je pense à « One meat ball » ou « Rockin the republicans»-, je vous conseillerais donc plutôt l’achat de Crossroad qui restitue mieux le climat d’un concert de l’ex taulard, la version notamment de « Crossroads » y est beaucoup plus magistrale. Celle que vous trouverez ici a un coté plus folky que réellement « blues maudit » telle que la voulait son auteur en 91, mais elle n’est pas vilaine loin de là, on y retrouve même un petit piano ; gageons qu’elle séduira tous ceux qui ne connaissent pas les premières versions… En tout cas une chanson immortelle, principal lègue de Calvin à la cause de la musique.

Reste que le skeud est très attachant, et la perspective de ne plus jamais entendre son auteur le rend… Presque indispensable ? Et les classiques de l’émailler : ce « Last night » où il ne manque plus que les gratteux de Lynyrd, ou ce « Soldier » indémodable qui vous filera des frissons sur l’échine pour peu que vous soyez récéptifs à la bonne musique.

Je me répète, mais Calvin nous a quittés... Tristes nous sommes… Ce personnage central du rock sans concessions de l’hexagone a finalement succombé à ses excès. Et le dernier –superbe- titre se nomme « I want to change the world »… Cela laisse réveur, et pour le coup, Calvin laisse Lemmy, Seasick Steve et quelques autres bien seuls sur le sujet polémique de la légalisation des drogues. Sans être parvenu à changer ce monde trop bien pensant, Monsieur Calvin Russell aura néanmoins contribué à l’élévation d’un joli mur sur l’édifice du palais de la musique.

Rest in peace, brother.