Trois ans après le commencement d’une longue odyssée de concerts, Dan Ar Braz et son Héritage des Celtes reprennent le chemin des studios, toutes voiles dehors, avec la ferme intention, forts de leur expérience passée, d’aller plus loin que lors de leur précédent voyage. Hissez haut, matelots !

Et ça commence très fort avec Broken Prayer, instru survitaminé, folk allié à la puissance du rock, qui fait la part belle aux instruments à stridences maîtrisées comme la guitare électrique et son cortège de cornemuses, bombardes et bouzoukis, et qui nous entraîne d’emblée dans son sillage. Grosse impression d’entrée de jeu.
Ensuite, la recette est grosso modo la même que l’album précédent, à savoir une alternance plus ou moins régulière d’instrumentaux plutôt enlevés et de chansons plus posés et sensibles, mais Dan Ar Braz, désormais familier de l’expérience, exploite avec plus de brio et de variété son Héritage des Celtes, ne serait-ce qu’avec un son qui rend davantage hommage aux arrangements (rock ou folk) et qui en retranscrit à merveille la puissance et la subtilité.

Parmi les morceaux remarquables, outre le génial morceau d’ouverture, on notera La Costa de Galicia, instrumental mêlant folk celtique et influences espagnoles, évidemment soutenue par un Carlos Nuñez flamboyant, ou encore la chanson Le Pays, interprétée par Gilles Servat de sa voix profonde, qui, même si en général je ne goûte pas trop ce genre de complainte sur le thème du déracinement, finit par toucher la corde sensible.
Evoquons aussi les instrumentaux Evit Ar Barz, introduit par les harmonies vocales de Karen Matheson, et Kilbrandon, plutôt accrocheurs, ou encore la ballade Left In Peace, chantée toujours par Karen Matheson, et qui s’impose comme La chanson de l’album, entraînante, lyrique, servie par une instrumentation sans faille et des voix tout à fait charmantes.
Pour le reste des titres, la qualité sera au rendez-vous et les écueils et autres récifs des contrées musicales seront évités, avec le savoir-faire des maîtres navigateurs que sont Dan Ar Braz et Donal Lunny (apportant son soutien au timonier en chef, à la production et aux arrangements), qui parviennent à rendre compte de la saveur d’écume de la musique et à en faire ressortir tout le sel. On ajoutera pour finir la présence des voix de Manu Lann Huel (sur La Broella) ou Elaine Morgan (sur Holyhead, Left In Peace, ou Diwanit Bugale), qui se lovent également avec plaisir dans le creux de nos oreilles d’innocents moussaillons.

Finisterres s’impose donc comme une réussite, plus enthousiasmant, plus varié, suscitant davantage d’émotions, l’allégresse comme la tristesse, que son prédécesseur. A écouter sans modération donc et l’on pourra ainsi dire : heureux qui, comme Dan Ar Braz, a fait un beau voyage ! Mille millions de mille sabords !