Y en est-il parmi vous chers lecteurs, qui n’ont pas été surpris en matant la pochette de ce joli skeud ? Un brave gars d’une vingtaine d’années, casque vissé sur la tête, le Famas en bandoulière, affublé d’un maquillage camouflage ? Ouais c’est un conscrit, un mec qui fait son service… Epoque désormais révolue où le confort n’était pas la principale préoccupation de la jeunesse… Quoiqu’on en pense, l’armée a produit une substantielle contribution à la musique, et nombreux sont les thèmes ici développés qui sont passés dans le domaine public. Je vous ferai grâce des grandes envolées lyriques sur ce premier skeud puisque les « héros de guerre », paras et commandos viendront plus tard, ce départ est consacré à la camaraderie plus qu’au sacrifice. Mais oui, c’est en chantant en Ordre serré - en défilant au pas ! - que naissent les premiers sentiments de corps qui font la force de l’esprit militaire. Après, on en pense ce que l’on veut.

Vous constaterez rapidement que les chants de l’armée n’ont que peu à voir avec les moches images d’Epinal « Une famille de viet tapie dans un fossé » véhiculées par les forces armées américaines genre « Full metal jacket ». Bien au contraire, le quotidien de l’appelé se voulait rythmé par la tradition historique, souvent nimbé d’une réelle esthétique, n’en déplaise aux réfractaires.

Le point d’orgue de ce skeud est incontestablement « Le chant des marais ». Hymne de prisonniers composé en 1933 dans l’un des premiers camps de concentration nazi. Les paroles graves et terribles, les chœurs et cette mélodie inéluctable symbolisent à merveille la détresse teintée de résignation et d’une touche d’espoir des travailleurs prisonniers. A écouter « religieusement » les yeux fermés. Une des plus belles chansons de l’histoire.
Dans la même veine implacable ; le « Kirie des gueux » sur une complainte allemande du 16eme siècle, évoque la condition des pauvres hères d’une époque désormais lointaine mais dont l’armée à voulu faire sienne la « frustitude ». Je défie quiconque de ne pas ressentir de frissons à l’écoute du refrain « Kirie eleison miserere nostri ».
Et pour ceux qui gardent un doute sur la portée honorable de ces chants, je vous propose à présent « Le chant des partisans » hymne de la résistance et de la France Libre, un titre ou l’émotion n’est ni vaine ni feinte, et porteuse des souvenirs des glorieux disparus, on se souviendra ainsi du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon et du discours d’André Malraux en prélude au chant.

Et puis vous trouverez « Les commandos », « les compagnons », « La petite piste » ou « Les oies sauvages » chants dignes et fiers des régiments de combat. Et oui, il faut se donner du courage lorsqu’on a choisit un destin sacrificiel ou chaque projectile peut être fatal. Autant de classiques. La mythique coloniale n’est pas en reste avec « Les africains » ou « Loin de chez nous ». C’est l’armée donc autant de chant pourfendant la vertu féminine avec tendresse, dans « Fanchon » « Madelon » « Veronica » ou « Frederi ».
Mais c’est surtout le service militaire et donc aussi le lieu des rendez-vous quotidiens ponctuels sonnés par le clairon : « Le réveil », « L’appel », « La soupe », « Le rassemblement », « Au drapeau » et « L’extinction des feux ». Ca ne mange pas de pain, et rappellera de sacrés souvenirs aux plus agés d’entre vous.

Bref, il serait hautement préjudiciable de ne voir dans ce CD qu’un hommage à la guerre, ce qu’il n’est pas. Il est en revanche une glorification des thèmes sacrificiels chers à l’esprit militaire. Certaines de ces chansons sont immortelles, hautement honorables, parfaitement recommandables.