Quelle surprise, ce onzième opus de notre sublime rouquine américaine ! Penchez-vous plus de deux secondes sur le skeud et vous constaterez qu’il ne s’agit rien d’autre que d’un album de chants de Noël, tradition qu’aiment à honorer les têtes de gondoles américaines, et qui verse bien souvent dans la bondieuserie la plus éhontée. Avec Tori cependant, une telle démarche m’a aussitôt fait sourire, la jeune femme n’en est pas à sa première reprise dont elle s’est même fait une spécialité : tout le monde a en mémoire ses interprétations toutes personnelles de "Enjoy the Silence" ou de "Smells Like Teen Spirit" parmi tant d’autres. Le package est joli comme tout, la sulfureuse jeune femme se transformant en une Mary Poppins mâtinée de Morticia… Ca le fait !

Cette démarche est cependant une bénédiction car le style si personnel et original de Tori trouve dans ces nouvelles interprétations un écrin de choix pour retrouver le piment de ses débuts. Enfin le piment… Disons plutôt que certains titres touchent au sublime. Mais nous sommes plus proches du recueillement qu’autre chose. De vieilles réminiscences éducationnelles transparaîtraient-elles enfin ? Une réconciliation avec ce père ministre d’un Dieu qu’elle n’a pas encore reconnu ?

La messe débute par "What Child Nowell", célèbre alternative à "Greensleeves", certes une énième version mais une des meilleures. La légendaire ode à Ann Boleyn trouve en Tori une interprète de choix, pas le moindre doute. Les violons de "Holly Ivy and Rose" ne trompent personne : c’est l’esprit de la britannique Kate BUSH qui plane encore de-ci de-là, jusqu’aux intonations celtiques que prend la chanson par instant. Certains thèmes baroques font référence à des temps anciens, c’est le cas notamment de "Candle Coventry Carol", ce cantique du 16ème siècle fait directement référence à Hérode et aux massacres des enfants de Béthléem. Tori y est a l’aise, dans son élément, capable comme personne de restituer des sentiments dramatiques. Les éléments orientaux de "Star of Wonder" peuvent troubler au premier abord, mais ils sont simplement à leur place. Enfin, nous nageons globalement dans une ambiance surréaliste qui sied étrangement bien à la chanteuse.

Cependant, dans ce petit recueil d’oeuvres passées, nous trouvons plusieurs titres composés par Tori pour cet album du Solstice. Et, surprise !, ce sont les plus surprenants. Ils sont d’une qualité rare. Ainsi "Snow Angel" est nimbé d’une fabuleuse ambiance, lumineuse et éthérée à la fois. Le Bösendorfer est au premier plan, Tori AMOS est ici à son meilleur. C’est aussi le cas sur "Winter's Carol" où le chant devient l’extension des plus belles qualités féminines, toutes de légèretés et de grâces. D’ailleurs, n’est-ce pas là le nom de l’album ? Une véritable réussite dans la grande tradition des chansons sensuelles et émouvantes de la belle sudiste. Sans doute le morceau de l’album dont la superbe orchestration soutient un chant qui a rarement été plus doux et velouté. Le ton crooner de "Pink and Glitter" surprend une fois de plus par son charme désuet et sa classe concise. Elle y vampirise son auditoire avec une facilité déconcertante. Quel talent !

Bref, la surprise est de taille. Rien de ridicule dans cet opus. Le talent s’y exprime par toutes les touches du piano mais aussi par les intonations d’une femme qui ne se lasse pas de prendre risques sur risques. Elle mérite respect et admiration. Rarement de plus belles qualités d’interprète ont vu le jour avec tant de magnificence.

Quel chant! Quelle chanteuse !