Albert King est un monstre sacré du blues des années soixante et soixante-dix. Monstre par sa corpulence de géant, mais surtout par son immense talent qui prendra toute son ampleur grâce au label Stax, pour lequel il va enregistrer une série d’albums grandioses jusqu’à la faillite de l’entreprise en 1975. Bien que Stax soit étiquetté label soul, les figures emblématiques de son catalogue comme Otis Redding ou les Booker T. & the MG’s ont largement puisé leur inspiration dans le blues. Il n’est donc pas étrange que le bluesman Albert King fasse son entrée dans les locaux de la McLemore Avenue en 1966.

Sorti en 1969, King of The Blues Guitar est une réédition de l’album Born Under A Bad Sign, agrémentée de nombreux et fameux titres bonus. Accompagné de la section rythmique des Booker T. & the Mg’s dont on ne vante plus l’excellence, ainsi que des Memphis Horns, Albert King déploie tout son savoir-faire au cours de dix-sept chansons marquées par son jeu de guitare rugueux et sa voix profondément chaleureuse. Enregistrés entre 1966 et 1968 et présentés dans un ordre chronologique, les morceaux écrits par Albert lui-même ou par les songwriters du studio sont des archétypes du style très personnel du faux demi-frère de B.B. King.

Les perles de blues sudiste s’enfilent sans accroc : les notes de guitare font mouche à tous les coups sur l’émouvant « Laundromat Blues », tandis que sur un rythme effréné, le roi Albert tricote avec son habituel décontraction des soli de haute volée sur le classique « Overall Junction ». Le son chaud et dense de sa V-flying rivalise à merveille avec les cuivres torrides des Memphis Horns. « Funk-Shun », autre instrumental écrit de sa main, est une nouvelle démonstration de son feeling hors-pair et de sa technique qui influencera bon nombre de guitaristes.

Mais il ne faudrait pas oublier quel excellent chanteur Albert King est. Alors qu’il remet au goût du jour le standard « Crosscut saw », sa voix bourrée de sensibilité fait tout le sel de « Born Under A Bad Sign », porté par un orchestre fabuleux. Plus mélodique et soul que les titres évoqués précédemment, ce petit chef-d’œuvre est du même calibre que la série de morceaux enregistrés le 9 juin 1967, fortement teintés de R’n’B. Il met le feu aux poudres avec les swinguant « Kansas City » et « The Hunter » et il chante comme un crooner de premier ordre sur les superbes ballades « The Very Thought of You », « I Almost Lost My Mind » et « As The Years Go Passing By ». Cette veine soul-blues haut de gamme fera tout le succès d’Albert King durant la période Stax.

Parmi les derniers titres, outre le puissant « You Sure Drive A Hard Bargain », on n’oubliera pas de signaler « I Love Lucy », belle déclaration d’amour adressée à la guitare V-Flying du maître et écrite par deux immenses songwriters, William Bell et Booker T. Jones. Quels grands sentimentaux, ces bluesmen…Ce morceau ne rivalise tout de même pas avec « Lucille » de B.B. King.

Classique dans la discographie d’Albert King, cet album propose une sélection de morceaux fameux qui ont forgé sa réputation. Il s’impose alors comme une valeur sûre du label Stax.