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- Style + Membre : Albert King & S.r. Vaughan , Wattstax, Booker T. Jones , Booker T. & The Mg's

Albert KING - New Orleans Heat (1978)
Par LE KINGBEE le 24 Avril 2024          Consultée 311 fois

Avec sa pipe collée à la bouche, son colt 45 dont il ne se sépare que rarement, ce colosse d’un mètre 93 a surfé sur le toit du monde durant la seconde moitié des sixties jusqu’à la première moitié de la décade suivante. La faillite surprenante du label Stax de Jim Stewart, devenu la cible du fisc américain et de surcroit confronté à des problèmes de distribution, place le guitariste dans une position fragile. Sans maison de disque, le guitariste croit trouver refuge chez Utopia, un nouveau label monté par l’impresario Giorgio Gomelsky et Kevin Eggers. Malheureusement, Gomelsky n’a aucune accointance avec le Blues ; si le bonhomme a connu ses plus gros succès durant le Swinging London des années 60, produisant le premier disque des YARDBIRDS, son principal fait d’arme résulte dans sa participation comme ingé-son au disque La Génération perdue de Johnny HALLYDAY, une collaboration qui résume à elle seule le nombre d’obstacles que le producteur ne pourra franchir aux côtés d’Albert KING, auteur de trois albums surchargés de chœurs, de Pop et d’une production complètement ampoulée.

Suite à l’échec artistique et commercial de ses trois derniers disques chez Utopia, le guitariste se retrouve sur le carreau. Dans l’urgence, il signe en 1977 un contrat avec Tomato Records, petite maison de disque dirigée par Kevin Eggers, ancien partenaire de Gomelsky. Après un premier disque sobrement intitulé King Albert(fi], produit par Don Davis, et un album Live qu’il partage avec John Lee HOOKER, notre colosse met en boîte son dernier disque pour Tomato.

Cette fois-ci, le guitariste est placé sous la houlette du pianiste-producteur Allen Toussaint, l’un des papes de la Crescent City. Tout est réuni ici pour sortir un disque d’exception. Toussaint fait appel à Cosimo Matassa et Arthur 'Skip' Godwin, deux orfèvres des consoles, et expédie le guitariste au Sea Saint Studios * sur Clematis Street, là où Patti LaBelle enregistra "Lady Marmalade". La crème des musiciens locaux est conviée pour prêter main forte au guitariste. C’est ainsi qu’on retrouve une ossature issue d’un côté des METERS, avec le bassiste George Porter Jr., le guitariste Leo Nocentelli et le pianiste Wardell Quezergue, et de l’autre des sidemen en provenance de Chocolate Milk, avec le claviériste Robert Dabon et le percussionniste Kenneth Williams, tandis que June Gardner (ex-Sam COOKE, Roy Brown) Leroy Breaux et Charles Williams se succèdent aux baguettes.
A la lecture de ces lignes, on pourrait croire que le tour est joué, tout semblant réuni pour faire un disque d’enfer, un producteur attentif, des ingé-son gargantuesques, des sidemen qui se connaissent sur le bout des doigts d’où une grande cohésion et un répertoire sans risque qui reprend pour moitié d’anciennes chansons d’Albert King et d’autres en provenance de Toussaint ou du label Sansu (propriété du même Toussaint). Oui mais voilà, s’il suffisait d’empiler ces divers ingrédients, le premier venu pourrait sortir un disque de platine d’un simple claquement de doigts.

On peut se demander aujourd’hui si la pochette n’est pas ironiquement représentative de l’album. Arborant une sorte de panama, Albert King tout souriant s’éponge le visage, comme s’il avait pris un coup de chaud. Le visuel dorsal nous montre le guitariste à l’arrière d’une berline de luxe, l’air jovial, comme s’il s’était sorti d’un guêpier. En fait, la connexion entre King et son producteur ressemble plus à une façade qu’à la symbiose qu’on était en droit d’attendre d’une telle association. De plus, on ne peut s’empêcher de penser qu’on est victime d’une entourloupe avec une moitié de refourgues inférieures à celles des disques d’origine.

Parmi ces différentes relectures, on se faisait une joie de découvrir l’emblématique "Born Under The Bad Sign" issu du disque du même nom. A aucun moment, on ne retrouve l’intensité du titre enregistré avec BOOKEER T. & The MG’S, l’orchestre attitré de la Stax ; le chant plus velouté et la présence de chœurs féminins s’avèrent vite comme des barrières en termes de qualité.
Issu du même album, "The Very Thought Of You", titre des années trente de Ray Noble, propose une ballade dans le style du chanteur de charme, le genre de somnifère bien barbant qui vaut surtout par quelques riffs de Nocentelli et qu’il convenait surtout de ne pas reprendre ici en fermeture de face A. Cette soupe à la grimace sera adaptée chez nous par Maxime LE FORESTIER et chantée par Julien CLERC. Tu parles d’un beau cadeau ! Issu de I’ll Play The Blues For You, "Angel Of Mercy" instaurait un climat intense, un pur joyau de slow down home blues transpercé par la fulgurance de la guitare. Ici, avec son intro de claviers imitant synthétiquement le bruit de clochettes dont on se demande ce qu’elles viennent faire, tout semble légèrement moins bon. La corrélation avec la rythmique nous semble inférieure à celle impulsée par James Alexander et Alvin Hunter. Les session men sont nettement plus convaincants sur "I Get Evil", un titre tiré d’un single Bobbin de 1962.

Albert KING n'apporte qu'une seule nouveauté avec "Flat Tire", un instrumental bien groovy qui vaut essentiellement pour ses envolées de guitare et sa basse bien ronde. Un titre fortement inspiré par la mélodie d’un titre éponyme de Willie DIXON et Clyde Otis enregistré fin fifties par Del Vikings, sous forme de Surf Rock patiné de Doo-Wop.

Quatre reprises toutes issues de la Crescent City viennent fleurir l’album. Création du texan Larry Hamilton, ancien membre des Gladiators, "The Feeling" évoque par moment le "The Thrill Is Gone" de Roy Hawkins popularisé par BB KING. La guitare aérienne offre un patchwork inspiré plein de fluidité. Leo Nocentelli lui apporte l’excellent "I Got The Blues" **, un titre qui s’inscrit dans la lignée du titre précité. On regrette simplement les brefs ajouts de cuivres et les arrangements de cordes qui selon nous ne s’imposaient pas. On recommande aux amateurs la version de John 'Mad Dog' Watkins enregistrée en France.

Allen Toussaint prend soin de lui glisser deux de ses compositions. "We All Wanna Boogie" impulse une atmosphère funky marquant une rupture agréable avec l’ensemble ; cependant, l’apport des chœurs féminins proches d’une orientation Disco n’était pas indispensable. Une interprétation toutefois supérieure à celle de Richie HAVENS. Supposé lancer l’album sur les chapeaux de roues, Albert KING s’attaque à l’impayable "Get Out Of My Life, Woman" popularisé au milieu des sixties par Lee Dorsey. Seuls petits bémols, la lenteur du tempo nuit au bon démarrage du disque, d’autres parts le chant et l’orchestration effacent involontairement tout l’humour de l’origine. Un titre selon nous moins captivant que les reprises de Freddie KING, Mel BROWN, W.C. CLARK ou Solomon BURKE.

A la lecture de ces modestes lignes, certains lecteurs pourraient penser que ce disque ne mérite pas une si bonne note. En fait, la déception provient du fait qu’on attendait probablement trop de l’association KING/ Toussaint, une union qui mettait assurément l’eau à la bouche. Cette dernière galette éditée par Tomato Records reste assurément inférieure aux productions Stax, mais se situe toutefois largement dans la moyenne supérieure des publications Blues Soul du moment. Rappelons qu’Albert allait connaître une traversée du désert longue d’une décennie. Il faudra le concours de Gary MOORE pour que cette figure incontournable regagne ses galons de vedette jusqu’à sa mort en 92, à la veille d’une tournée européenne. Le disque vient de faire l’objet d’une réédition vinyle éditée par Sansu Records.


*Studio emblématique de la Nouvelle-Orléans, le Sea-Saint a été détruit le 28 août 2005 par le passage de l’ouragan Katrina.
**Titre homonyme à ceux de Marvin Jenkins et des Rolling Stones.

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   LE KINGBEE

 
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- Albert King (chant, guitare)
- Leo Nocentelli (guitare)
- George Porter Jr. (basse)
- June Gardner (batterie1-3-4-6-8-9)
- Charles Williams (batterie 2-5)
- Leroy Breaux (batterie 7)
- Wardell Quezergue (piano)
- Allen Toussaint (piano, claviers)
- Robert Dabon (synthétiseur)
- Kenneth Williams (percussions)


1. Get Out Of My Life Woman
2. Born Under A Bad Sign
3. The Feeling
4. We All Wanna Boogie
5. The Very Thought Of You
6. I Got The Blues
7. I Get Evil
8. Angel Of Mercy
9. Flat Tire



             



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