The Friends of Mr.Cairo, ou comment un duo donne le meilleur de lui-même. Après un premier album correct mais pas des plus convaincants, voilà que Jon ANDERSON et VANGELIS sont prêts à remettre le couvert, à ne pas faire de Short Stories l'album d'un supergroupe éphémère. Le contexte y est d'ailleurs d'autant plus favorable que VANGELIS est en état de grâce dû à l'Oscar gagné pour les Chariots de feu. Pour la méthode de travail, elle reste la même : ANDERSON écrit les paroles, VANGELIS s'occupe du reste; mais le résultat, quant à lui, est radicalement différent, puisque The Friends of Mr.Cairo est bon, très bon même ! Cela est dû à la présence de chansons dotées d'un véritable potentiel, là où "I Hear You Now", le single du précédent album, n'avait que peu de chances de percer.

Et dès le premier morceau, "I'll Find My Way Home", on comprend immédiatement de quoi il est question ici. Ce titre est aussi calme que terriblement efficace, malgré une structure des plus banales, surtout venant d'eux. Et à ce tube potentiel succède... un véritable tube ! Avec son rythme si entraînant soutenu par l'excellent saxophone de Dick MORRISSEY, "State of Independance" montre un Jon ANDERSON complètement investi dans son rôle de chanteur, et bien qu'elle dure 8 minutes, l'impression que le temps passe est carrément absente. D'ailleurs, l'année suivante, en 1982, Donna SUMMER en fait une reprise qui devient un succès incontestable; l'ancienne reine du disco avouant même qu'elle regrette de ne pas avoir écrit cette chanson, rien que ça. Ca, c'est la classe. Et n'oublions pas "Beside", d'une beauté rare à couper le souffle, tout comme son espèce de jumeau qui conclut l'album, "Outside of This".
L'album n'est cependant pas des plus parfaits, à cause notamment de "Back To School", dont les paroles fort intéressantes contrastent avec le côté kitsch de la musique, et le saxo qui cette fois fait tâche : pour résumer, on dirait la version moderne d'un vieux rock des années 50.

Ensuite, vient le titre éponyme. Alors là, il y en a des choses à dire. Il s'agit d'une chanson à tendance progressive et séparée en deux parties, qui s'équivalent largement. La première est la plus rapide, avec l'ambiance générale et les paroles renvoyant directement aux films noirs des années 40, et plus précisément au Faucon Maltais, sublime film de 1941 qui met en scène Humphrey Bogart et Peter Lorre, qui joue... Mr Cairo; le clip de la chanson, dont est tirée la photo de la pochette, joue également dans cette logique. L'instrumentation est quasi-parfaite, le seul petit bémol est la voix overdubée d'ANDERSON, mais s'il faut se plaindre de ça, c'est vraiment qu'on cherche la petite bête. Et grâce à une transition bien travaillée, on bascule dans la deuxième partie, bien belle et mélancolique grâce à ANDERSON qui ici semble chanter le final d'un long morceau de YES, mais uniquement sur le plan structurel, car dans le fond, il se surpasse sans exagérer ni partir dans des trips dont il a le secret, surtout au niveau des paroles, et quand les douze minutes du titre se sont égrenées, c'est limite si l'on a pas vu un film dans lequel un homme regardait un film. Il n'y a qu'une seule chose à dire, c'est magistral ! C'est clairement la meilleure composition de JON & VANGELIS.

Véritable sommet bien qu'imparfait par endroits, The Friends of Mr.Cairo est clairement un album incontournable de ce début des années 80 bien que, comme Short Stories, il ne ressemble ni à du YES ni à du VANGELIS en solo. Hélas, trois fois hélas, le duo n'atteindra jamais plus cette qualité exceptionnelle par la suite.

Note réelle : 4,5/5