Que doit faire un artiste apprécié et considéré par certains comme un génie ? A cette question, Klaus SCHULZE apporte une réponse simple : inviter des copains et faire un album sous un pseudonyme. C'est ainsi qu'en 1979, quelques mois après l'intéressant Dune, sort Time Actor, le premier album paru sous le nom de Richard WAHNFRIED, un double hommage à son idole, Richard WAGNER. Un album des plus singuliers puisqu'on ne saurait le lier en aucun cas à la discographie de SCHULZE tant il en diffère, merci Arthur BROWN. En effet, le chanteur y a joué un rôle prépondérant : il ne se contente pas de réciter des poèmes de SCHULZE, ici il écrit et déclame lui-même ses textes, tout en étant accompagné par SCHULZE, mais aussi son ami Vincent Crane, le leader d'ATOMIC ROOSTER, ainsi que Wolfgang Tiepold et Michael Shrieve qui s'efforcent de composer une musique anachronique, tout droit sortie du futur.

Le morceau éponyme donne d'emblée la couleur. En effet, ses séquences relativement redondantes se répètent de manière hypnotique, auxquelles s'ajoutent un beat aussi efficace qu'anachronique ainsi que la voix de Brown déclamant son texte, un délire monumental et pseudo-philosophique sur le temps et notre rapport avec lui. Il faut l'écouter pour le croire, sans compter la deuxième partie se posant sous forme de dialogue avec ce qu'on suppose être une entité supérieure. Mais dans l'absolu, cela reste un titre acceptable pour nos oreilles.
Les autres plages sont du même tonneau, avec des nappes de claviers et séquences futuristes complètement hallucinantes. On peine à croire qu'à la même époque le disco et ses claviers ringards font fureur. La trance n'est également pas loin, et il est même possible d'aller plus loin en reconnaissant un ancêtre de la future techno des années 90.
Quant à Brown, il se montre parfois calme, mais se fait vraiment remarquer en n'allant pas de main-morte à coups de cris et de folie vocale, c'est impressionnant. En témoigne "Distorted Emission 1" où l'impression qu'il a sombré dans la démence est incroyablement forte. Et tout ceci sous l'oeil de SCHULZE qui rend l'ambiance générale tout aussi dingue. Et que dire aussi de "Time Echoes", de loin le titre le plus bizarre du disque, avec son chant à la croisée de l'oraison religieuse et de l'opéra ?

Parmi tous ces morceaux qui sont vraiment courts pour du SCHULZE (c'est relatif), voilà qu'arrive "The Silent Sound Of The Ground", le plus long et le plus lent, mais aussi le plus dérangé, qui synthétise fort bien l'esprit de l'album, malgré son aspect un peu schulzien. Cependant, il traîne trop en longueur et, passé son premier tiers, il se répète et ennuie un peu malgré les performances de Brown. C'est dommage, vraiment, et de plus c'est aussi le morceau qui a le moins bien vieilli, surtout quand on le compare à "Time Factory" qui présente les mêmes défauts, mais plus atténués.

Time Actor montre clairement que Klaus SCHULZE sait sortir de sa 'routine' électro habituelle pour créer un opus unique et atypique en son genre. Il se fait également remarquer par l'implication d'Arthur Brown qui, totalement investi dans son rôle, ne se contente pas d'être un simple musicien, ce qui n'arrive pour ainsi dire presque jamais chez SCHULZE. Toutefois, cette fructueuse association n'a duré que le temps d'un album, ce qui laisse pensif quant à un hypothétique deuxième album dans la même veine, mais au moins il remplit son rôle de pause stylistique.