Le couple Michel Berger/France GALL est une redoutable machine. En ce début des années 80, les tubes et les ventes de disques s'accumulent comme des petits pains. L'année 1980, pour être précis, les a montré tout-puissants sur la chanson française : pendant que le talent de Berger en solo explose enfin grâce à Beauséjour, France GALL frappe fort avec un Paris, France remarquable. De même, après cet ouragan musical aussi dévastateur que délicieux, les deux chanteurs baissent en qualité dès l'année suivante. Pour Michel c'est un médiocre Beaurivage qui est offert au public, et pour France, ce sera Tout pour la musique.

Attention toutefois à lire trop vite. Si Tout pour la musique est plus faible que Paris, France, cela ne veut pas dire pour autant qu'il est vraiment moins bon. En vérité, il est assez bon, et contient même plus de chansons devenues célèbres. Pour être précis, deux, et à la rigueur trois d'entre elles ont accédé à la postérité.
La première d'entre elles est bien évidemment "Diego, libre dans sa tête". Hymne poignant contre les injustices, il est interprété sobrement, sans emphase ni exubérance bien-pensante, c'est tant mieux. A noter qu'une version acoustique et interprétée par Berger sera jouée deux ans plus tard, sur Voyou. Mais Tout pour la musique, c'est aussi l'album qui contient un autre morceau de grande bravoure, j'ai nommé "Résiste". France GALL chante ici contre l'uniformisation de nos vies, pour affirmer les caractères uniques et particuliers de chacun. Musicalement, "Résiste" est tout simplement irrésistible (hahaha), il n'a clairement pas volé sa place. Ensuite, le titre éponyme qui ouvre l'album est également de très haute volée, mais ne peut pas prétendre à l'excellence. La faute à une durée bien trop longue, près de cinq minutes c'est beaucoup trop. La chanson aurait gagné à être sabrée dès que Berger apparaît aux choeurs – sans offense, c'est juste un indicateur temporel.

Pour le reste, sans dire qu'il y a à boire et à manger, la qualité est plus variable. "La fille de Shannon", par exemple, par ses très beaux arrangements et une émotion bien gérée, peut prétendre à faire partie des grands titres du répertoire de France (foutue mémoire sélective). "Ceux qui aiment" fait également office de bonne conclusion, et dans l'absolu fait aussi partie du haut du panier. Le seul problème est la voix un peu trop aigüe lors des couplets.
En ce qui concerne les autres chansons, il faut être honnête et parler directement de remplissage. "La prière des petits humains" a au moins le mérite d'être la plus intéressante, mais sitôt l'écoute finie, l'oubli arrive bien vite, trop vite. "Amor También (Tout le monde chante)" paraît peu sérieuse, mais cela ne poserait pas problème si la chanson ne respirait pas la facilité et la paresse musicale. Il s'agit par contre d'une nouvelle preuve de l'intérêt de France GALL pour les cultures étrangères – souvenez-vous de "Samba Mambo" sur l'album de 1976.

Avec Tout pour la musique, France GALL s'impose encore plus, avec près d'un million d'albums vendus. Et contrairement à son mari, ce n'est pas grâce à un album assez médiocre, mais juste un bon album. Quoiqu'il en soit, les tubes continuent à s'accumuler, et ce n'est pas prêt de s'arrêter. Du moins pas pour le moment.