On ne va pas refaire sans arrêt le parallèle avec l'ancien ROXY MUSIC, Manifesto a sonné l'arrivée d'un nouveau groupe. Flesh + Blood, paru pile en 1980, était bien décidé à le faire entrer dans la décennie 80, avec un autre style, et surtout un autre son. Place aux batteries à réverb', aux synthétiseurs et à la production froide. Par ailleurs, le groupe est ramené au trio Ferry-Manzanera-Mackay : le batteur de toujours Paul Thompson s'étant cassé le pouce dans un accident de moto en a profité pour signer son départ 'définitif'. Ce qui peut signifier beaucoup de choses.

A ce nouvel opus, ROXY a intégré deux reprises à ses dix chansons, ce qui beaucoup attribuaient à un manque d'inspiration. Néanmoins, "Eight Miles High", aussi bien que "In the Midnight Hour", s'incrivent complètement dans la tonalité majoritairement pop-soul de l'album. C'est sans doute le disque qui parmi ceux produits jusqu'alors assume le mieux ses influences 'black'. Il y a aussi toujours le versant disco palpable en particulier sur "Same Old Scene" dont les séquenceurs abondent et dont le saxo tente de se faire une jolie petite place. C'est d'ailleurs un des points rassurants, Mackay est nettement plus mis à l'avant sur Flesh + Blood que sur le disque précédent. Quant à Ferry, le principal responsable des touches noires et blanches de l'opus, il s'essaye modestement au solo, comme en témoigne sa tentative peu virtuose sur cette même chanson.

Globalement, le chansons de ce disque sont assez inspirées. Qu'on aime le style ou non, on se demande bien ce qu'il s'est passé pour que Flesh + Blood marche beaucoup mieux au Royaume-Uni qu'aux Etats-Unis, ces derniers étant si friands de cette touche particulière (pour l'époque, après ça allait devenir commun). "Fresh and Blood" au riff plus que simpliste, "Oh Yeah !" ou encore "Over You" ont tout des bons tubes qui nous donnent peut-être plus encore d'urticaire aujourd'hui qu'aux anciens de l'époque. Elles sont aussi à intégrer dans le style de ce qu'on appelait alors les 'nouveaux romantiques'. Les moments les plus denses restent sans aucun doute "My Only Love" qui, du haut de ses cinq minutes vingt, représente le titre le plus long du disque, ainsi que "No Strange Delight" où l'on peut entendre l'une des dernières interventions du doux hautbois de Andy Mackay. Les synthés s'y taillent la part du lion, même si l'on retient aussi d'excellents solos de Manzanera. Le reste est encore réussi, mention spéciale à la ballade "Running Wild" où Paul Carrack refait une petite apparition.

En dépit d'une certaine qualité d'écriture, il manque à Flesh + Blood un petit quelque chose pour figurer au palmarès des grandes oeuvres de la décennie. Un peu de diversité en plus peut-être? Quoiqu'il en soit, certaines chansons se ressemblent beaucoup et rendent le tout bien homogène, ce qui fait que l'on dégage moins de titres plus fameux que les autres. Ce disque prépare en tout cas bien le terrain au futur carton du groupe (et plus gros de sa carrière), ainsi qu'aux prochains travaux de Bryan Ferry en solo.