Coiffé d'un beau chapeau sur la pochette, BASHUNG pose sur cet album une voix de cow-boy limite forcée, presque vulgaire, comme un camionneur qui braillerait sur une aire d'autoroute. La musique de l'album est pire encore : une production archi-typée années 80, entre INDOCHINE et Sabine Paturel, dans toute son horreur glaçante de synthés vulgaires et de rythmiques moisies.

Dans Passé le Rio Grande, tout est confondant de laideur. Faites attention, les claps de supermarché ou les violons produits par un clavier cheap provoquent des grincements de dents si puissants qu'ils peuvent vous démonter la mâchoire.

Le chroniqueur doit-il vraiment être consciencieux jusqu'à réécouter chaque piste, se farcir "L'arrivée du Tour" qui fait concurrence à Corinne Charby, "Dean Martin" qui se la joue DEBUT DE SOIREE ? Comment effacer l'image mentale de Charly Oleg dont l'esprit hante certains passages ? Faire écouter "Rognons 1515" à quelqu'un, c'est vouloir lui nuire.

Quel dommage de ne pas pouvoir trouver meilleur écrin sonore et musical pour des paroles comme J'annule la manucure, ça lui fera les pieds, un train part sans crier gare, j'enfile des perles à rebours, quand Laurel s'enhardit, encore une nuit sans Georges ! La délicate beauté du travail de Boris Bergman est piétinée, traînée dans une boue qui fait vraiment tache, quand on connaît le talent et l'esthétisme de notre regretté chanteur alsacien.

Seule la dernière piste, "Chat", est séduisante. BASHUNG susurre des miaulements sur un piano baladeur, très mignon. Tout le reste est à oublier à tout jamais. Les versions de 1992 et 2003 ajouteront le single "SOS Amor", carrément génial, pour inciter les fans à acheter le CD. Mais ceux qui ont acheté l'album en 1986 doivent avoir encore mal aux fesses aujourd'hui.