On peut tenter de voir la vie avec philosophie, de prendre du recul par rapport à certaines choses inéluctables... Rien n'y fait ! Lorsqu'on entre ce vendredi à la FNAC, la même où on avait acheté le désormais ex-dernier album des CORRS (Home en 2005), pour y trouver cette fois leur petit nouveau, ben ça fout un de ces cafards, j'vous jure... Dix ans ! Vous les avez vus passer, vous ?

Les CORRS ne s'étaient jamais officiellement séparé(e)s. Il s'agissait d'un break pour permettre à chacun(e) de s'occuper de sa famille ou de s'échapper un peu en solo (Sharon et Andrea), avec plus ou moins de réussite. Les fans, qui avaient pour beaucoup revêtu leur scepticisme face à cette initiative, n'espéraient évidemment qu'une seule chose, le retour du groupe au complet !

On peut d'ores et déjà constater que celui-ci, fort rapide (l'album n'est annoncé que depuis un mois à peine sur les réseaux sociaux), ne s'est pas fait en grande pompe. Au contraire, la discrétion reste très appréciable pour un groupe dont le nom figure parmi les plus gros vendeurs de disques d'il y a dix-quinze ans. C'est que les temps ont changé ! Sans être point trop âgés encore, les filles d'Irlande et leur grand frère ont dépassé la quarantaine (même la cinquantaine pour lui)...

Tous ces détails entrent en compte dans le double traitement réservé à ce nouveau disque plus espéré qu'attendu, celui de sa réalisation et l'appréciation de l'auditeur. Celle-ci est plutôt froide dans un premier temps, à moins d'être fan enthousiaste (ce qu'on a tous été à une époque, même si la beauté des soeurs Corr demeure un caractère déterminant !). Tout paraît bien facile, aseptisé...

Et puis, comme les Mayas, Nostradamus et les stèles de Newgrange l'avaient prédit, il fallait bien qu'on l'aime ce nouvel album ! Parce qu'en fait, il est bon. Très bon même, vraiment. Une fois la première écoute passée, on se dit que le contexte était trop superficiel et que peut-être il faut le réécouter attentivement, lui laisser le temps de se dévoiler. C'est le cas.

Les six premières chansons baignent dans l'univers résolument pop qui a fait pour moitié la recette du succès du groupe. Pop légère, autant que les textes d'Andrea Corr et ceux de sa grande soeur Sharon qui parlent d'amour, de relations et de trucs de filles avec une franche résolution. Alternant ballades ("Strange Romance", "Bring on the Night") et titres pleins d'énergie ("White Light"), cette partie est curieusement la plus difficile à aborder.

Une fois qu'on y est cependant, elle se laisse non seulement écouter mais on constate que les mélodies sont fines et ciselées, moins évidentes que ce qu'on pouvait penser. Le morceau d'ouverture, "I Do What I Like" (un titre plutôt symbolique !), est vigoureux avec les effets de Jim, ainsi que les choeurs sensuels "na na na" de Sharon et Caroline, qui dynamisent l'ensemble chacune à leur manière avec leurs instruments – on imagine aisément la jolie batteuse sautiller sur son tabouret, comme avant. Quant à Andrea, bébé Dydy, elle n'a rien perdu de son éclat. C'était quand déjà, In Blue ? 2000...

La ballade "Kiss of Life" propose un arrangement plus audacieux, avec des choeurs inhabituels et qui rappellent un peu l'ambiance de l'album Borrowed Heaven (2004). La production est assez confinée et c'est ce qui explique l'impression de fadeur à la première écoute. Certains morceaux à la base mineurs comme "Unconditional" finissent par s'intégrer à la qualité globale. Plus loin, on trouve encore un "Catch Me When I Fall" de toute beauté.

À partir d'"Ellis Island", le groupe ressort les instruments folk et use de ses racines irlandaises, non pas pour faire simplement plaisir aux auditeurs de la veille, mais bien comme base de chansons magnifiques et insoupçonnées. Avec sa mandoline et son tin whistle, "Stay" est un condensé de pop celtique, équilibre parfait (tempo reggae californien, basse groovy et piano syncopé du pont !).

Ouvert par Andrea sur une nappe de synthé, "Harmony" est un hymne puissant, autant que le féérique "Ellis Island" rythmé au piano. "With Me Stay" offre un joli final en douceur et l'instrumental "Gerry's Reel" (dédié à papa Corr, "parti" au printemps dernier) confirme, si besoin est, la cohésion familiale en tant que musiciens purs et talentueux.

White Light, meilleur album des CORRS ? Il n'y a qu'un pas pour l'assurer, et on va le franchir sans mal. Là où chaque ancien album mélangeait tubes et titres plus quelconques, avec parfois des choix de production discutables (y compris sur le traditionnel Home), ce nouvel album est celui d'un groupe arrivé à maturité, sans rien renier.

Le manque de tubes à la "Breathless" ou à la "So Young" se trouve vite comblé. De plus, et que ce soit par nostalgie ou non, les CORRS n'ont pas fait de concessions aux caprices de la pop actuelle (combien de chanteurs auto-tunés pour une seule Andrea Corr ? Zéro, elle n'a pas de prix). Plusieurs écoutes sont nécessaires pour bien capter ce superbe travail, fruit d'un groupe-famille au diapason rejointe par des musiciens hors-pair : Pino Palladino, John Shanks, le banjoïste Gerry O'Connor et bien sûr Keith Duffy et Anthony Drennan, fidèles compagnons des premiers jours. Allez-y sans problème, c'est de l'or. Merci THE CORRS !